Si Dany Boon n'avait pas signé lui-même La Ch'tite famille, on aurait pu sans peine l'attribuer à la filmographie nauséeuse de Philippe de Chauveron, comme le troisième volet bouclant une trilogie gerbante entamée avec Qu'est qu'on a fait au bon dieu ? et A bras ouverts. Car à l'instar de ces deux points noirs du paysage cinématographique français, cette comédie jamais drôle ne fonctionne que sur une accumulation de clichés navrants, poussant la caricature à la limite du racisme social.


D'un côté, la Ch'tite famille en question : affublée d'un accent insupportable, s'exprimant dans un langage ici revendiqué comme particulièrement pauvre (on s'assied sur la conjugaison, le vocabulaire est réduit au minimum : pas sûr cette fois que les gens du Nord apprécient "l'hommage" grossier de l'enfant du pays), elle vit au milieu d'une casse de bagnoles et est composée, entre autres, d'un père débile incapable de se servir d'un grille-pain ou d'une machine à laver et qui assaisonne sa salade avec de l'essence, d'un fils alcoolique pas foutu de faire un créneau avec l'épave qu'il conduit et de sa femme sapée comme une cagole, trop conne pour déchiffrer les indications de lavage sur l'étiquette d'un costume.


De l'autre, la pseudo élite parisienne, qui parle avec la bouche en cul de poule, est trop boursouflée de suffisance pour dire bonjour au petit personnel, organise des vernissages pompeux autour de meubles design forcément mal pensés, dîne de plats vegan insipides, manipule dans la plus totale immoralité, etc.


Dany Boon orchestre ce match "gros cons de bouseux VS gros connards de Parigots" avec la subtilité d'un tractopelle. Le film, déprimant dans sa photographie et ses décors, recopie éhontément certaines scènes de Bienvenue chez les Ch'tis (Boon renversé par une voiture, son souffre-douleur qui prend des cours de Ch'ti, Line Renaud agressive avec sa bru...), englobe son scénario absurde et affligeant d'une B.O. mielleuse tristement illustrative, et se conclue par un happy end qui résume à lui seul l'extrême condescendance dont fait ici preuve son auteur, à la fois envers les Ch'tis et sa vision grotesque du parisianisme : le designer qui avait renié sa famille du Nord pour aller dessiner des meubles inconfortables pour les riches pédants de la capitale renoue avec la simplicité de ses origines et monte une agence plus modeste dans laquelle il crée du mobilier... à base de canettes de bières. CQFD.


Ah si, il y a une séquence après encore, en guise de générique, dans laquelle on fête l'anniversaire de la mère au milieu des tracteurs avec le père qui chante "Que je t'aime" en Ch 'timi, les paroles apparaissant sur l'écran façon karaoké.
Mais là, faut pas déconner, je me suis barré.

AlexandreAgnes
1
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les pires comédies françaises

Créée

le 13 mars 2018

Critique lue 1.8K fois

13 j'aime

5 commentaires

Alex

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

13
5

D'autres avis sur La Ch'tite famille

La Ch'tite famille
Behind_the_Mask
4

Nos régions ont du talent ?

C'est difficile de se relever de spectacles comme RAID Dingue... En tant que spectateur. Dur de se remettre de tant de gêne, de tant de consternation par instant. Une telle non comédie laisse des...

le 17 mars 2018

21 j'aime

2

La Ch'tite famille
archibal
3

L'accent et l'argent

Le malaise arrive très vite avec la scène de présentation de la fameuse "ch'tite famille" où les acteurs se forcent à prendre l'accent de manière ridiculement factice et ratée. Tous les gags...

le 6 nov. 2018

19 j'aime

La Ch'tite famille
AlexandreAgnes
1

Qu'est-ce qu'on a fait au bon Ch'ti ?

Si Dany Boon n'avait pas signé lui-même La Ch'tite famille, on aurait pu sans peine l'attribuer à la filmographie nauséeuse de Philippe de Chauveron, comme le troisième volet bouclant une trilogie...

Par

le 13 mars 2018

13 j'aime

5

Du même critique

Au revoir là-haut
AlexandreAgnes
9

On dit décidément MONSIEUR Dupontel !

La Rochelle, 26 juin. Jour de mon anniversaire et de l'avant-première de Au revoir là-haut en présence d'Albert Dupontel. Lorsqu'il entre dans la salle à la fin de la projection, le public...

Par

le 27 juin 2017

54 j'aime

4

Mektoub, My Love : Canto uno
AlexandreAgnes
4

Si "le travelling est affaire de morale", ici le panoramique vertical est affaire de vice

Je n'accorde habituellement que très peu de crédit au vieux débat clivant qui oppose bêtement cinéma populaire et cinéma d'auteur (comme si les deux étaient deux genres définitivement distincts et...

Par

le 27 mars 2018

50 j'aime

19

Arès
AlexandreAgnes
6

Ne pas jeter bébé avec l'eau du bain

Voilà un long métrage qui, en apparence, accumule les défauts : une erreur monumentale dans le choix de la date dès le carton d'ouverture (l'action se situe dans un Paris post-apocalyptique...

Par

le 24 nov. 2016

43 j'aime