Sûrement l'œuvre la plus fantastique de Jean-Pierre Jeunet. Avec son univers à la fois glauque et féérique, peuplé de cyclopes extrémistes, de savants fous, de clones et d'orphelins, La Cité des Enfants Perdus est un film étrange, à la fois moderne et suranné, loufoque et morbide, mais toujours empreint d'une certaine poésie enfantine. Car l'enfance est au cœur du long-métrage, à travers les songes, les cauchemars, l'innocence et l'espoir.
Pour leur seconde collaboration, Jeunet et Caro arrivent donc à créer un espace intemporel, repoussant les limites de la technologie tricolore avec des décors irréalistes, des cadrages fantasmagoriques propres aux deux metteurs en scène qui explorent chaque recoin de l'image comme un futur Fincher, des costumes délurés imaginé par Jean-Paul Gaultier et surtout des effets spéciaux hallucinants pour l'époque, confectionnés par notre Pitof national au sein de la firme BUF.
Et au centre cet univers déroutant, une histoire d'amitié émouvante entre une sale gosse débrouillarde, Miette (impressionnante Judith Vittet), et un géant de foire au grand cœur (Ron Perlman, comme d'habitude monstrueux), tentant tous les deux de retrouver le "petit frère" de ce dernier, enlevé par un savant fou sur une plateforme secrète. Campé par l'inénarrable Daniel Emilfork, cet ennemi attachant s'avère être au final un des méchants les plus charismatiques qu'il soit, se nourrissant des cauchemars d'enfants.
En somme, une perle rare du cinéma français interprété par la crème des crèmes des "gueules" du genre, de Perlman à Emilfork en passant par Mireille Mossé et l'inévitable Dominique Pinon, acteur fétiche des deux réalisateurs, qui campe ici une multitude de clones au service du savant fou. Inspiré par des œuvres telles que Frankenstein, M le Maudit ou encore Freaks, ce second long-métrage est d'une poésie terrassante à voir absolument.