--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au huitième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
La lune est ronde ce soir. Ronde et jaune, d’un jaune luisant presque effrayant. Sublime et glaçante. C’est comme si la reine de la nuit avait voulu se gonfler de tout son orgueil pour intimider ses créatures. Pour nous stopper dans cette folie meurtrière. Mais nous ne pouvons plus faire marche arrière, et toutes mes tentatives pour intercepter cet montée de haine avant qu’elle n’éclate semble rester sans résultats. Mes retrouvailles d’hier se sont soldées sur des non-dits, ma tentative d’alliance avec les meutes voisines ont aboutis officiellement à un accord, mais officieusement à une méfiance décuplée, et, malheureusement pour le devenir de cette guerre, mon amour pour Lycaon va toujours grandissant chaque jour que je passe en son absence. Chez les vampires la fureur monte, ils interprètent toutes mes actions de travers, m’accusent de rechercher le conflit. Alors que c’est tout l’inverse ! J’ai l’impression que je vais devoir finir par demander une rencontre avec leur chef et tenter d’apaiser les tensions avant qu’une guerre des gangs éclate en dehors de notre contrôle. Mais pas ce soir. Ce soir je respecte la furie de la reine ronde, je la craint et je m’incline. Je regarde mon film seule, et en profite pour réfléchir avec sagesse.
J’ai trouvé le bon film il me semble. Je dois avouer que je l’ai lancé pour la raison grossière qu’il était le moins long dans la liste de ceux qui me restaient à voir. Je l’ai vu dans une VF assez triste, convaincue que j’étais que c’était la langue de tournage. Tout cela pour dire que ce n’était pas les conditions idéales. Et pourtant. *La Comtesse* entre à peine dans le contexte du mois vampire. Dans les faits, c’est un film historique, pas un film fantastico-horrifique. Personne ici ne se transforme en chauve-souris, n’est immortel ou a les canines pointues. Enfin presque. Je trouve assez juste d’affirmer que la comtesse Bathory a grandement participé à faire exister les vampires dans le folklore populaire. Mais ce qui est très fort dans ce film, c’est sa façon de nous faire croire, en permanence, à quelque chose qui semble se révéler ni totalement juste, ni totalement faux. Si on regarde l’histoire à travers les yeux de son amant, il nous est donné suffisamment d’élément pour tenter de juger par nous même. Nous ne somme pas prisonniers de la vision du jeune homme, dont la candeur désarmante réussi à la fois à nous conquérir instantanément, et à la fois à chercher la vérité un peu plus loin que lui. D’où notre impression constante d’avoir une longueur d’avance su ce que lui a compris. Forcément, on se fait surprendre à la fin, mais pas par un twist facile, non, par une accélération de cette compréhension à double temps, par un sprint final à celui qui comprendra le plus vite, entre le spectateur et le garçon, ce qui nous conduit désorientés au générique à se demander qui diable a gagné, qui diable a compris, et que diable était la réalité ?
Ce qui est surprenant, c’est que le film repose sur notre acceptation à tous de prendre cette légende comme vraie, et qu’il nous conduit tous à en déduire qu’elle est fausse. Et pourtant à faire subsister le doute.
Quand on est certain que les vampires existent, on en sort persuadé que cette brave femme n’en était pas une. Et pourtant si on se place du point de vue d’un mortel sceptique, on se dit que finalement, les vampires ont peut-être existé à travers les tourments de cette femme et les magouilles de son entourage. Quelle drôles de conclusions. Je repense à mon premier film du mois, *30 jours de nuit*, et à cette réflexion qu’ont les vampires sur le fait qu’ils ont sacrifié beaucoup de temps et d’efforts pour que plus personne ne croit réellement à leur existence. Cette mystérieuse « histoire vraie » est un vrai coup de génie de leur part. Presque un tour de magie. En faisant croire qu’une innocente était une vampire, en en apportant des preuves, en montant un procès, ils travaillaient déjà en pensant que des années plus tard des esprits avides de lucidité s’appliqueraient à démontrer avec rigueur la futilité de cette histoire. Des cerveaux humains brillants travailleraient pour eux à les mythifier et à les faire disparaître des croyances tenaces. Alors une question me taraude : si mes confrères suceurs de sang sont capable de stratégies si fines et si longues, est-ce que cette menace de guerre que je juge stupide depuis le début ne serait pas ourdie dans un complot bien plus vaste que ce que j’en perçois ?