Julie Delpy est une femme qu'on aimerait avoir comme copine. Même si elle est très chiante dans la vraie vie.
Elle est belle, brillante, talentueuse... n'a pas sa langue dans sa poche et n'hésite jamais à dire les choses comme elle les pense. A rendre verte de jalousie les petites dindes sans neurones.
Je l'admire depuis ma découverte de cette grâce unique qu'elle insuffle à son personnage de Céline dans "Before Sunrise".
C'est une femme intelligente et c'est pour ça qu'elle n'est pas appréciée comme elle devrait. Elle fait peur.
C'est pour cela qu'elle s'est exilée aux Etats Unis...
C'est pour cela qu'elle était la mieux placée pour monter ce projet fou.
Raconter le destin tragique d'une femme dans un univers d'hommes. Une femme qui a lutté contre le destin imposée à ses congénères.
D'ailleurs, lorsque j'ai eu l'occasion (la chance) de la rencontrer, elle expliquait les obstacles de dingue qu'elle a dû surmonter, ce par quoi elle est passée pour décrocher les financements. Les anecdotes de la bouche de l'intéressée sont à la fois drôles et effrayantes pour le milieu du cinéma.
Drôle quand elle explique comment la sortie du film a été sacrifiée aux Etats Unis parce que les distributeurs potentiels ont envoyé à la projection de présentation de l'oeuvre pour qu'elle soit achetée, un spécialiste du film de vampire qui est passé complètement à côté du vrai sujet du film et l'a descendu outre atlantique ne lui laissant aucune chance d'être distribué. Effrayantes quand elle raconte qu'elle a été obligée de rencontrer des mafieux peu scrupuleux.
Le but de l'actrice, réalisatrice, musicienne... en se donnant le rôle principal de son long métrage n'est pas de faire le procès d'une femme cruelle, d'un monstre froid et sanguinaire mais de la comprendre.
Elle sonde le coeur et l'esprit d'une femme brimée par le monde qui l'entoure et son époque, qui se sent à l'étroit dans sa féminité telle qu'on lui propose de la vivre.
Mariée à un homme rustre, elle occulte sa culture et son intelligence. Mère, elle gère le foyer d'une main de maître(sse) et découvre la saveur de la liberté le jour de la mort de son époux. Devenue veuve, elle peut enfin décider, gérer, exploiter et vivre comme elle l'entend. Elle acquiert son humanité en perdant son mari.
Seulement à l'époque, une femme ne peut pas être indépendante. Elle doit se remarier... C'est son refus, sa volonté d'aimer qui elle souhaite, de vivre comme elle l'entend qui la condamne. Pour elle comme pour toutes les femmes de toutes les époques, la faiblesse est et restera le coeur ; c'est l'amour qui lui fera perdre la vie. Pourtant pour elle, aimer ne doit pas être une faiblesse. C'est la toute la modernité du personnage. Elle a d'ailleurs compris que ce qui fait qu'une femme séduit un homme n'a rien à voir avec ses qualités de coeur ou intellectuelles.
La chose est bien connue, l'histoire est écrite par les vainqueurs.
Comment condamner cet être épris d'un homme et de liberté aux yeux de ses contemporaines ? Comment s'emparer de ses terres sans élever le moindre reproche ? Cette femme de pouvoir doit être maîtrisée. On doit la soumettre à tout pris. Elle va jusqu'à devenir créancière du roi et par là acquérir un pouvoir au plus haut de la hiérarchie politique. Elle devient dangereuse.
Là la place de la virginité prend tout son sens.
La pureté de la vierge, la référence à la Reine vierge (Elisabeth I d'Angleterre, sa contemporaine), l'instrument de torture inventé par la comtesse. La beauté est liée à la jeunesse et donc à la virginité. Une femme n'est rien si elle n'est plus jeune. D'ailleurs son amour pur pour Darvulia est lié sans aucun doute à la virginité de cette dernière.
En usant comme remède du sang de jeunes vierges, elle lutte contre le temps.
Si elle avait été une femme libre, libre d'aimer et d'être aimée, se serait-elle préoccupée autant de se voir vieillir ?