On doit à Wes Craven parmi les plus importantes sagas horrifiques du cinéma, avec Les Griffes de la nuit, La Colline a des yeux et Scream, mais son premier film est déjà un coup de poing dans le genre qui vous rebrousse le poil.


Mari et Phyllis sont jeunes et jolies, deux amies dont les parents ont consenti à ce qu’elles sortent voir un concert. Elles font la rencontre d’un groupe de délinquants évadés. Dans la ville puis à proximité de la maison familiale, elles seront humiliées, torturées, violées, et pire encore, soumises aux désirs et pulsions du quatuor.


Herschell Gordon Lewis avait ouvert la voie dans les années 1960, celle de la provocation, de la violence, du gore. Avant le choc de Massacre à la tronçonneuse en 1974, Wes Craven fait trembler la morale américaine. Ses jeunes créatures sont adorables, si innocentes. Le portrait des sociopathes est glaçant, terrifiant, mais avec une pointe de charisme et même dégageant une certaine admiration malsaine pour eux.


Wes Craven cherche la provocation, la confrontation avec la bienséance. Il réactive le mythe des bonnes gens bousculés dans leur intimité par une menace extérieure sans but. Il use de la petite peur bourgeoise, rappelant que cette bonne société est aussi faible contre les éléments les plus perturbateurs situés à la marge. Ils ont chacun un visage, une personnalité, mais ils n’ont pas d’histoire, ou si peu. Ce n’est pas le plus important, ce qui compte c’est leur degré d’empoisonnement.


Dans cette provocation outrancière, le film n’hésite pas à en faire trop, pour provoquer le dégoût, la colère. Dans le contexte de l’époque, il faut s’imaginer l’impact. Le film sera très souvent censuré, parfois même par les projectionnistes eux-mêmes, parfois même interdit comme il le fut au Royaume-Uni pendant 30 ans. Sur un spectateur moderne l’effet est modéré. Il y a toujours dans cette déferlante de (très très) mauvaises actions un aspect malsain, mais à trop multiplier les tentatives de choquer le film donne aussi l’impression de ne servir qu’un seul but, provoquer le malaise.


L’espoir ne proviendra pas de la police locale, présentée de manière incompétente. Insensibles aux inquiétudes des parents, une fois les deux policiers sur la piste des criminels ce ne sera que commentaires bêtes et maladresses. D’ailleurs tout le monde se moque d’eux dans le film. L’autorité institutionnelle ne peut rien.


Le salut ne viendra pas d’eux. La société ne corrigera pas les méfaits de ces sociopathes en comptant sur les représentants de la loi. Et c’est en déplaçant son cadre dans l’intérieur de cette maison dans la deuxième partie, en inversant les rôles que le film arrive à trouver un intérêt autre que celui de provoquer. Les mauvais éléments seront punis, sans aucune pitié. La violence appelle la violence, mais après tout ce qui a été vu, cela apparaît comme une évidence, une conséquence logique. Le film n’est pas si amoral que ça, il représente bien les craintes, les angoisses de la classe moyenne et supérieure en s’attaquant à deux de ses composants : la famille et le foyer.


Professionnel, Wes Craven filme dans un style très proche du réel, assez documentaire, avec des gros plans et un montage assez rapide. La beauté des paysages automnaux du film tranche, pardon, avec la violence du film. Les acteurs choisis sont dirigés avec soin, malgré toute la difficulté qu’on peut imaginer à interpréter certaines scènes. Il y a dans les jeunes filles une beauté innocente avant qu’elle expriment une terreur frappante. Les désaxés sont inquiétants, glaçants et fous, mais avec une légère pointe d’humanité.


Malgré tout, le film reste maladroit sur bien des aspects, notamment dans son montage, parfois trop abrupt. L’énergie déployée dans les plans est parfois usant, mais aussi de temps en temps entraînant. Certaines scènes qui ont été supprimées ont été mal coupées, à l’image du corps retrouvé, prétendu mort, alors qu’il est vu encore bougeant juste avant.


Maladroit aussi dans son scénario, d’une simplicité un peu trop vive. Il y a pourtant ce passage du film, après le crescendo des actes de violence, avec les personnages dont on sent bien qu’ils sont allés trop loin, un moment de grâce dans leur embarras esquissé, juste ce qu’il faut. Le film mise beaucoup trop sur sa provocation, mais il lui manque un peu de fonds. Non pas pour atténuer cette violence, mais la rendre encore plus pertinente. Le film a vieilli sur bien des points, mais au vu de son grand âge, il garde malgré tout une bonne part son intensité et de son malaise.

SimplySmackkk
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le 1 mars 2020

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