L'exubérante dépressive
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le 26 juin 2019
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Monia Chokri est une camarade de Xavier Dolan : tout le monde la présentera comme telle, vu qu’elle tenait l’affiche dans Les Amours Imaginaires et Laurence Anyways, et cela accentuera la proximité déjà tellement voyante de son cinéma avec celui du jeune prodige québécois.
Dans ce premier passage à la réalisation, il sera donc question de parcours immature d’une sorte d’adulescente comme on en voit souvent, qui doit gérer son immaturité sentimentale à l’aune d’un entourage qui commence à se caser, à savoir un frère qui, de complice absolu, devient une sorte d’étranger passé du côté adulte de la force.
La première séquence donne assez brillamment le ton : la soutenance d’une thèse face à un jury névrosé au dernier degré et empêtré dans ses propres querelles fait tout autant la satire du milieu universitaire qu’il empêche la protagoniste de vouloir quitter son statut d’étudiante : rien ne l’attend de toute façon, puisque le monde est aussi fou qu’elle est irresponsable. S’en suit une longue exposition qui va permettre une galerie de portraits (son frère, donc, dandy en voie d’insertion dans une certaine forme de stabilité, ses parents complètement barrés et un blind date qui leur fait bien concurrence) souvent drôles, excentriques et menés à un rythme qui fait la part belle à une BO bien léchée.
Car le film est avant tout formaliste : la comédie humaine sauce Québec fonctionne un temps, mais s’efface au profit d’un plaisir non dissimulé pour l’euphorie du clip, des afféteries qu’on a trouvé chez tôt chez l’ainé Dolan, justement, jusqu’à cette posture d’un couple qui contemple, statique, une fête déchaînée, comme dans Les Amours Imaginaires.
La mécanique s’emballe : Monia Chokri, dont le savoir faire n’est clairement pas à questionner, a visiblement accumulé des heures de rushes, et semble incapable de renoncer à la réussite de ses séquences, qui s’accumulent parfois en dépit du bon sens, et frôlent l’exercice de style de sortie d’école de cinéaste : et que je te filme les convives en reflet dans la table en verre, puis en contre-plongée par-dessous la même table, et que je t’accumule les transitions en musique, les cut-ups, les faux raccords, les citations de la Nouvelle Vague…
En résulte un film qui dure 2 heures et en fait clairement un quart de trop, épuisant sa veine narrative qui était pourtant ténue. Alors qu’on était parvenus à s’attacher aux personnage (la relance avec ce double date permet un petit second souffle à l’intrigue, et l’engueulade avec le frère est dotée d’une véritable énergie dans son hystérie destructrice), le film s’embourbe dans ses travers, qui prennent le dessus sur son propos : trop de gras, trop de pose, oubliant que faire la satire du bavardage ne met pas à l’abri du verbiage.
(5.5/10)
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Créée
le 27 juin 2019
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