Première incursion des jouets de la marque Lego au cinéma, dont la nature (à construire/déconstruire) offrait de nombreuses perspectives, que ce produit n'ignore pas mais sous-utilise clairement. L'essai se traduit par un film d'animation classique, manifestement inspiré par Pixar sur la forme comme dans les idées. La structure et les ressorts sont tous éprouvés, le seul élément distinguant le film étant donc ses personnages et les couleurs de leur univers : vives et bariolées.
Dans ce long-métrage rejoignant le rare camp des publicités exclusives et intégrales au cinéma (les écrans de pub tant reprochés à Minority Report n'occupant à chaque fois que quelques secondes à tout casser, eux), nous découvrons Emmet au pays du bonheur obligé. Sous le,joug d'un leader corporatiste bienveillant, ce petit monde est pressé d'être heureux et suit les normes avec délectation.
Emmet respecte ce conformisme, comme tous les autres et pense que chacun fait de même. Puis il se rend compte qu'il n'a aucun signe distinctif, aucune personnalité aux yeux des autres, dont le conformisme n'est que superficiel ou pra(gma)tique. Pourtant c'est Emmet qui est pris par une équipe de sauveurs de l'Humanité pour l'homme le plus génial et différent de la galaxie, celui que la prophétie annonçait et qui viendrait résoudre le grave péril qui menace aujourd'hui. En effet, sous le masque du bienfaiteur extatique de Lord Business, se cache un perfectionniste aspirant à détruire le monde.
La Grande Aventure Lego est un cas d'école concernant cette animation dont la générosité n'est que vulgarité, banalités, facilités, le tout saupoudré de bien-penseance de toute petite envergure. Le milieu du métrage, avec ses allez-retours hystériques, est le tiers le plus pénible. Dans l'ensemble les enjeux sont confus, indistincts et seule la bêtise morale et l'amour de la médiocrité tiennent debout dans le film. Il est logique que tout soit laid et stérile autour puisque c'est l'implication de cette morale et de cet amour particuliers. Mieux, La Grande Aventure Lego est cohérent !
Que nous dit le film ? Que les gens fondus dans la masse sont tous des héros simples (en mode Walter Mitty, donc), mais c'est déjà chercher un peu loin. Le propos est surtout, prosaiquement : c'est avec la confiance en soi qu'on brave l'impossible. Bel axiome orné d'un petit plaidoyer pleurnichard sur la créativité à l'ère où les idées s'échangent sans entraves. Est même présent l'innénarable coup du : eh les gens, surtout n'oubliez pas de ne pas devenir trop adulte et prise de tête.
Le plus amusant c'est qu'on se moque de cette cécité des hommes jaunes face à la tyrannie déguisée sous le divertissement, ainsi que l'enthousiasme ridicule pour l'ordre établi dont Emmet est un symptôme particulièrement démonstratif ; mais on se réjouit dans une chorégraphie finale où des valeurs tout aussi aberrantes, mais à l'intransigeance et à l'anti-individualisme plus subtils, ont pris le dessus. Et voilà nos petits légos tous unis dans la diversité, c'est-à-dire dans un chaos gentil. Tout le monde fait ce qu'il veut et braille sa liberté, tant que ses productions ne sont que des petits éclats criards et inoffensifs. Unis dans la stérilité et la laideur, pour une démocratie pleine de bouffons prenant la fiente de leur esprit pour une subtile inspiration en mesure de les différencier. Lego, film progressiste de 2014.
https://zogarok.wordpress.com/2014/05/13/la-grande-aventure-lego/