Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine... L’Empire Galactique doit faire face à l’Alliance Rebelle, qui conteste son pouvoir tyrannique, et s’organise de jour en jour. Alors que l’armée de l’Alliance vient de vaincre l’Empire dans la bataille de Scarif (racontée dans l’excellent Rogue One de Gareth Edwards), volant les plans d’une gigantesque arme secrète que le gouvernement est en train de fabriquer, Dark Vador (David Prowse pour le corps et James Earl Jones pour la voix) part à leur poursuite. Juste avant que le terrible Sith ne mette la main sur elle, la princesse Leia (Carrie Fisher) parvient à envoyer un message dans l’espace. C’est le jeune Luke Skywalker (Mark Hamill) qui reçoit le message, et décide de partir à la recherche de son destinataire : le Jedi Obi-Wan Kenobi (Alec Guinness)…
Aurais-je autant apprécié Star Wars si je l’avais découvert l’année de sa sortie, vierge de tout avis préconçu ? La question mérite d’être posée, mais la réponse est loin d’être évidente. Il faut dire que, de prime abord, Star Wars ne semble pas dénué d’un grand nombre d’imperfections : personnages peu voire pas développés, scénario pas original pour deux sous, dialogues au ras des pâquerettes, sans oublier un mysticisme de bazar, basé sur un panthéisme franchement ridicule… C’est dire que le combat n’était pas gagné d’avance. L’immense Alec Guinness, arrivé on ne sait trop comment dans ce film remplaçant de manière fort heureuse Toshiro Mifune, ne se gênera d’ailleurs pas pour critiquer très ouvertement le film dans lequel il jouait, non sans une certaine raison.
Mais voilà, Star Wars est devenu un monument, et l’on ne voit plus trop aujourd’hui comment on peut passer à côté d’un des films qui marqua le plus profondément l’histoire du cinéma. On ne dira jamais assez les bienfaits des budgets restreints, mais Star Wars est encore une preuve que les faibles budgets sont ceux qui font les plus grands films. Car quand on n’a pas d’argent pour raconter son histoire, on est obligé de tout miser sur la force du récit, et non sur le folklore qui l’entoure. Premier grand film spatial de toute l’histoire du septième art (le premier qui ose me sortir : "Non, il y a eu 2001, l’Odyssée de l’espace avant" repartira d’ici avec un coup de pied soigneusement placé…), Star Wars n’en reprend pas moins tout ce qui s’est fait avant, et ne s’en cache pas : on se retrouvera donc plongé tout à la fois dans ces vieux films d’espionnage à la James Bond qui nous suspendent à l’écran lors de missions d’infiltrations tout en suspens, dans ces grands westerns à la John Ford et à la Sergio Leone avec leurs héros roublards, aussi grincheux que courageux, et leur ampleur visuelle hallucinante permise par des décors colossaux, dans ces films de cape et d’épée bondissants qui nous rendaient crédible même un Errol Flynn en collants verts, dans ces grands films de guerre épiques où l’on ne sait plus où donner de la tête face à notre écran rempli d’avions à abattre… Synthèse cinématographique par excellence, Star Wars est un joyeux fourre-tout où les amoureux de cinéma se jetteront à cœur joie à la recherche de chaque référence, de chaque hommage qui pointe le bout de son nez au détour du plan le plus insignifiant. Il faut dire que la construction de ces plans s’avère d’une intelligence à toute épreuve, l’inventivité liée au manque de budget passant nécessairement par une exceptionnelle rigueur de mise en scène.
En outre, c’est avec une hallucination non déguisée que l’on se rend compte à quel point les effets spéciaux ont bien vieilli aujourd’hui. Si quelques incrustations restent visibles, l’ensemble visuel est d’une beauté à couper le souffle, parvenant à faire oublier que tout cela n’est que le fruit de trucages habiles faits en studio, et mettant au rebut les effets spéciaux numériques sans charme du début de la prélogie. Ainsi, on se laisse entraîner sans problèmes dans un univers si dense qu’on en oublie son manque de crédibilité pour se concentrer sur un récit dont la simplicité n’est qu’une conséquence de la redoutable efficacité, efficacité qui se manifeste également dans des personnages somme toute assez vides, mais qui permettent aux acteurs de manifester toute l’étendue de leur talent, donnant chacun un caractère bien défini à celui qu’il incarne (avec au sommet les deux grands de la saga : le vétéran Alec Guinness et le nouveau venu Harrison Ford). Evoquer l’excellence d’une musique dans laquelle le génie John Williams se place dans la parfaite lignée de son prédécesseur Sergueï Prokofiev serait bien sûr inutile, mais cela ne fait jamais de mal de se le répéter encore une fois.
Evidemment, cela n’efface pas les mauvais dialogues, ni ce délire spiritualiste grotesque autour de la Force, ni l’absence totale d’émotion (on ne va pas se mentir, la mort d’Obi-Wan Kenobi telle qu’elle nous est montrée est catastrophiquement anecdotique), mais tout cela n’a aucune importance car Star Wars incarne la magie du cinéma dans toute sa splendeur, il incarne l’incroyable capacité d’un petit nombre d’êtres humains à en faire rêver un grand nombre à partir de rien. Les défauts sont nombreux, oui, mais finalement ne contribuent-ils pas à la grandeur de l’œuvre ? Car en tous cas, il se dégage de ce Star Wars une authenticité et une sincérité mille fois plus intenses que dans le moindre blockbuster qui sort aujourd’hui...