Coutumier des adaptations de contes, Disney revint à ses premiers amours à la faveur de La Petite Sirène, et que dire que l’œuvre de Hans Christian Andersen lui sourit : après de multiples résultats commerciaux timorés, voire carrément de cuisants échecs, le long-métrage du tandem Musker/Clements rencontra un succès on ne peut plus probant, tel le premier jalon d’une période communément nommée « Second Âge d’or »... ça ne s’invente pas.
Toutefois, difficile de lui céder davantage, cette énième « Princess Story » embrassant sans retenue les limites du genre : présentée d’abord sous un jour aventureux et fougueux, Ariel aura tôt fait de s’abandonner dans les méandres de l’amour foudroyant , la superficialité de sa relation avec Éric empêchant tout approfondissement ni investissement de notre part. Certes, le film ne fait que répondre à des standards bien connus, et nous pouvions espérer qu’il agrémenterait au mieux son cœur romantique : c’est pourtant précisément sur ce point que La Petite Sirène échoue à construire une identité perdurable dans le temps.
En guise d’illustration pratique : j’étais proprement incapable de resituer les 3/4 de son intrigue, surtout après l’acquisition de ses deux gambettes par Ariel. À l’exception de quelques rares souvenirs fugaces, il s’agissait donc d’une redécouverte quasi-intégrale, et je sais désormais pourquoi : tout va trop vite et est traité par-dessus la nageoire. L’univers subaquatique et son mystérieux royaume ne sont qu’à demi-exploités, tandis que l’antagonisme qu’incarne Ursula est finalement réduit à son plus simple appareil de « Méchante Disney » : La Petite Sirène ne s’embarrasse donc guère du pourquoi du comment, la simplicité binaire des tourments/résolutions de Triton abondant en ce sens au même titre que les raisons animant la sorcière-pieuvre.
Seconde arête dans le poisson : ses péripéties à la frontière du cartoonesque. La séquence du requin est pour ainsi dire bête et méchante, et que dire des mésaventures de Sébastien face à Louis : outre leur caractère de meublage passable, celles-ci font montre d’une verve, d’un rythme et d’une formalisation ne rappelant que trop bien « l’énergie » propre à Tex Avery. Sauf que l’effet dénote quelque peu, et qu’il accroît notre sensation d’une nonchalance survitaminée ambiante malvenue : guère de frissons ni d’émotions au bout du compte, d’autant que l’humour est bien en peine de faire mouche en dehors des facéties involontaires d’Eurêka.
Enfin, un dernier point sape pour de bon les prétentions immersives (toutes proportions gardées) de La Petite Sirène, à savoir son graphisme : dans la droite lignée de la légèreté évoquée plus haut, l’animation ne semble pas très ambitieuse, la faute à son trait hâtif et un souci du détail fluctuant... sans oublier que l’immensité de l’océan passe complètement à la trappe et que les environnements terrestres paraissent étriqués. Quelques scènes sauvent heureusement la face, à l’image du naufrage d’Éric, mais convenons que c’est bien peu.
Il en résulte donc un semblant de paradoxe amer, La Petite Sirène s’apparentant à une prise de risque minimal de la part de Disney, mais pour qui cela s’avère parfaitement concluant : à contrario d’opus plus audacieux l’ayant précédé, tel Basil Détective Privé (sur lequel Musker et Clements firent d’ailleurs leurs premières armes), le périple d’Ariel marquera plus les esprits en tant que réussite rentable (et ouvrant la voie à la « Renaissance » du studio) plutôt qu’en tant que divertissement mémorable.