Je ne suis pas un grand fan de film d'horreur. Mon dernier contact avec le pur genre (Ghostland, de Pascal Laugier) était une purge. Cependant, j'ai adoré Grave, Shining et The Thing. Car ils montrent le visage commun de l'horreur : comment le quotidien, et les hommes et les femmes du quotidien, peuvent devenir horribles et sanguinaires, pour diverses raisons.
Dans ce film, Serge Leroy (qui est-ce ? Je n'avais jamais entendu parler de ce réalisateur) mixe le film de traque et le film politique. La bonne société d'une petite ville de l'Orne se réuni pour une partie de chasse. Les frères carossiers, le gendre du sénateur, le capitaine local de gendarmie et les bonnes gens de la ville tentent d'oublier qu'ils se haïssent intérieurement en se défoulant sur des sangliers et des lapins. De l'autre côté, une belle anglaise, professeure d'université, visite un manoir qu'elle compte louer dans la région. Et les deux mondes entrent en collision. Violemment.
Ce film est éminemment politique.
En montrant, tout d'abord, le viol, et les manipulations et horreurs qu'est prête en à mettre en oeuvre cette bonne société pour le couvrir,
le scénariste donne à ce film un message éminemment féministe. A l'orée du salvateur mouvement qu'est #metoo, La Traque métaphorise finalement les kabbales que doivent affronter celles (et ceux, aussi) qui se lèvent face aux horreurs qu'elles ont connu.
De plus, il montre la réalité d'une vie politique rurale, faite de copinage, de relation d'influence et de chantage, qui régit, finalement la vie de la société des campagnes. Là aussi, une métaphore de la politique en général.
Ce film n'est pas un brulôt anti-chasse. Il montre une réalité crue, mais la cruauté de ses antagonistes n'est pas tant tournée vers les animaux, mais plutôt sur les hommes (et surtout, les femmes). Mais c'est pour ça que je considère la Traque. Car il transforme un élément quotidien, la chasse, et le transforme en une chimère paranoïque. Car par ce film, ma vision de la chasse et des chasseurs, sera, sûrement, durablement changée.
Dans ce film, on y retrouve, surprenamment, des visuels tous droits sortis de Memories of Murder ou du Cercle Rouge. Réalisateur peu (ou in-) connu, Serge Leroy, mélange avec brio film d'horreur et film politique, pour créer un codex de film de traque. Avec sa photographie terne et mal aimable, et les sons mornes de la forêt hivernale, il nous plonge dans un cauchemar infini, car sans espoir d'une sortie, car la forêt est infinie et personne ne vous y entendra crier.