A sa sortie, ce grand film a été honni par le lobby des chasseurs, outrés qu’on dévoile ce qu’ils essaient de cacher sous leurs termes fleuris : « le coup du roi »= tuer un oiseau qui tombe aux pieds du chasseur, « servir » =égorger à l’arme blanche un animal blessé, « faire un édredon »= tirer sur un oiseau et faire voler ses plumes en vol…dans la traduction, il y a toujours le mot « tuer »…
Là est le but, là est le « plaisir ».
Le parallèle est on ne peut plus subtil entre les premières scènes où on voit une bande de connaissances rigolarde réunie pour une battue au sanglier et la chasse à leur victime qui risque de les mettre en difficulté, c’est-à-dire de dévoiler leur ignominie cachée - à peine - sous des apparences respectables.
Ce parallèle créé un profond malaise tout au long du film: au début, ils prennent plaisir à tuer un sanglier et leur partie de chasse est un loisir divertissant ( !). Ensuite, ils doivent tuer par nécessité - pour éviter d'être dénoncés. Là se trouve la VRAIE chasse, mais elle ne poursuit pas un animal. Piètres chasseurs au début et ne comprenant pas grand chose à leurs actes, ils deviennent conscients, utilisent leurs connaissances de la traque pour arriver à une fin d'un intérêt vital pour eux et , devant l'endurance et l'habileté de cette femme qui défend sa vie, sont pris d'admiration( un des chasseurs dit " je ne pensais pas qu'une femme pouvait avoir cette endurance") et tuent presque comme à regret, en tous cas comme une nécessité peu glorieuse. Le film nous donne ainsi une vraie réflexion sur la chasse, et le malaise est puissant...
De plus, rien de la noirceur de l’humain ne nous sera épargné : le propriétaire cupide et veule qui pense tout de suite « héritage » quand il apprend qu’un de ses amis a perdu sa mère, le politique lâche qui étouffe ses maigres sursauts d’humanité devant la perspective d’une carrière mise en difficulté, les petites frappes locales qui exercent leur tyrannie sur une bourgeoisie reconnaissante des services qu’ils leur procurent en leur évitant de se salir les mains, le notaire froid et calculateur qui n’a pas l’excuse de la bestialité et qui propose une chaufferette à un homme qui se vide de son sang et dont la garde lui pèse… Les portraits sont nettement et cruellement dessinés, portés par des acteurs au meilleur de leur art.
La progression dramatique d’une intensité exceptionnelle trouve dans cette forêt hivernale un cadre oppressant et haletant jusqu’aux scènes finales qui portent à son apogée l’ignominie humaine.
D’une rare intensité et d’une rare noirceur, le film se termine en nous laissant une image terrible : celle de l’innocence et de la beauté sacrifiées – celle de la femme poursuivie bien sûr, mais aussi celle de ces magnifiques créatures qu’on côtoie si souvent et dont on ne retrouve parfois après la chasse que la peau couverte de boue ou, comme cela a été mon cas il y a deux jours, dont on découvre la tête suppliciée par la monstruosité des hommes qui n’ont même pas l’excuse de la faim.
Le film est plus grand qu’un simple brûlot anti-chasse, mais j’en profite pour informer que les dérives encore très courantes de la chasse peuvent être combattues par une association très active, en particulier dans le domaine juridique : https://www.aspas-nature.org/
Vous y trouverez en particulier des pétitions qui sont une petite mais nécessaire contribution à la cause animale de plus en plus malmenée ( Aspas lance actuellement une campagne contre le développement de la chasse d'animaux élevés spécialement pour servir de cible le week-end à ce qu'on peut difficilement appeler des "chasseurs" mais des tireurs sur cibles vivantes...)