Lors de la 31ème cérémonie des goya 2017, La colère d'un homme patient a été récompensé par 4 goya dont meilleur film et scénario. En allant voir ce film, je n'avais pas cette information, c'était son titre, l'affiche et l'excellence des derniers thrillers espagnols; La Isla Minima, La Nina de fuego et L'homme aux mille visages; qui m'ont donné envie de me rendre dans la salle.
Dans une voiture à l'arrêt, un homme semble nerveux. La caméra est calée sur la plage arrière et on va vivre cette scène de l'intérieur. Un autre homme cagoulé monte dans le véhicule et crie au conducteur de démarrer. Nous sommes en plein cambriolage. Au loin, les sirènes de la police se font entendre. Le chauffeur cale, son passager fuit, comme deux de ses complices après avoir frappé une personne de la bijouterie qu'ils viennent de dévaliser. Le chauffeur réussit à redémarrer le véhicule et tente de semer la police, mais elle va finir sur le toit et il va être arrêté.
Pour son premier film, l'acteur Raúl Arévalo réussit son ouverture et va continuer dans cette veine jusqu'à la fin. Il a tourné son film en 16 mm, ce qui confère un grain particulier à l'image. Cet aspect visuel est aussi brut et sale que cette histoire de vengeance.
Au début, il règne une certaine confusion. Huit ans après l'arrestation du chauffeur, on va faire la rencontre de José (Antonio de la Torre) dans un bar de quartier ou il semble avoir ses habitudes. Il flirte timidement avec la serveuse Ana (Ruth Diaz), dont il observe le moindre geste. On se doute que ce n'est pas le chauffeur, il n'en a pas la même corpulence. Alors est-ce un des braqueurs? Son attitude, sa réserve et ses questions abondent dans ce sens, à moins que ce soit un flic infiltré pour découvrir l'identité des complices cagoulés. Ce n'est pas un hasard s'il tourne autour d'Ana, c'est l'amie de Curro (Luis Callejo), le fameux chauffeur qui va bientôt sortir de prison. Les deux hommes vont être amener à se rencontrer et on va mieux comprendre quel est le rôle de chacun, du moins en apparence.
Le thriller est tendu, brut, violent et aride. La vengeance de cet homme ne va pas se faire dans la facilité, on ne s'improvise pas meurtrier. La violence frappe avec une telle puissance, qu'on est décontenancé et mal à l'aise. On devrait toujours avoir cette réaction face à un tel acte, mais à force de nous habituer à ce genre d'images, en minimisant son impact, en éliminant parfois le sang pour éviter une interdiction à un jeune public, on a tendance à oublier que tuer une personne, ce n'est pas un geste banal. Pourtant, il a beau avoir mûri son projet durant huit ans, rien ne l'avait préparé à agir de cette manière.
La vengeance se fait avec réalisme. Nous ne sommes pas dans un film hollywoodien, on ne va pas nous expliquer ce qu'on voit à l'image en nous prenant par la main car nous sommes trop absorbés par la consommation de notre coca et pop-corn. Cela se déroule sans esbroufe, en allant à l'essentiel. L'oeuvre a sa propre identité, ou du moins à comme un air de Sam Peckinpah. On y retrouve la même fièvre et sueurs. Le temps semble s'être arrêter dans les terres espagnoles et on a le sentiment d'être au Mexique dans les années 70, comme dans Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia. Cette impression est de plus en plus persistante en s'enfonçant dans la campagne et ne va plus nous lâcher.
Raúl Arévalo va nous secouer durant une heure et demie. Ses personnages ont des gueules et des regards plus parlant que les rares mots sortant de leurs corps fiévreux. Cette intensité est palpable dès les premières secondes et ne va pas faiblir jusqu'au plan final. Antonio de la Torre et Luis Callejo se rendent les coups, avant que l'un d'eux se mettent à faiblir. Ils sont impeccables et la sensualité de Ruth Diaz va rendre l'atmosphère irrespirable. On est pris à la gorge, l'air se rarifie et il va falloir du temps pour oublier cette crasse qui va nous coller à la peau en sortant de la salle.