Le retour de la nuit

En 1968, George A. Romero offre un classique qui redéfinit l’horreur et qui fait entrer les zombies dans l’imaginaire collectif. La nuit des morts-vivants est une étape, un point important de l'histoire du genre. C’est un immense succès, et plein d’argent qui ne rentrera pas dans ses poches à cause d’un bête problème de copyrights. Cela n’empêchera pas Romero de tourner plusieurs suites, parfois réussies, d’autres fois non. Et de faire ce remake avec son complice Tom Savini, pour s’en mettre enfin dans les poches.

Tom Savini devait travailler avec Romero sur l’original, son service militaire l’en empêchera. Par la suite il se rattrapera avec des maquillages et des effets spéciaux sur plusieurs films très réussis avec un style très visuel, bien sanglant. On peut regretter de ne pas les retrouver ici, d’autant que des scènes alternatives mais non conservées, en proposent, mais il avait été décidé de respecter l’esthétique de l’original et de son économie de moyens dans le gore.

Les remakes ne manquent pas dans les films d’horreur, mais la plupart sont faits par des équipes complètement différentes. Ce n’est pas le cas ici, mais il est évident que la situation n’est plus la même entre 1968 et 1990. Le scénario a été réécrit par les auteurs originaux dont Romero, et il s’agit toujours d’une invasion de zombies, et de la difficulté de survivre et de s’organiser. Comme dans Walking Dead, le danger ne vient pas plus des morts que des vivants, bien au contraire.

L’original était une merveille de suspense, où tout était possible. Cela reste le cas. Mais il avait aussi un propos social et politique fort, en faisant de son héros principal un noir. Fortement commentée, et donc sans surprises, l’histoire a été remaniée, pour donner plus d’importance au personnage féminin de Barbara. Gênante dans l’originale elle devient l’héroïne. Romero avait déjà poussé le curseur du féminisme dans le troisième volet de la Saga des zombies, mais ce n’est pas le même impact qu’avec l’intolérance du premier, matérialisée avec cette scène choc des derniers instants. En faisant cela, le film donne l’impression de ne plus rien avoir à dire sur le racisme, que ce n’est plus un problème, et le futur lui donnera tort.

Le film montre aussi la bêtise des survivants qui viendront les secourir, une belle bande d’agités de la gâchette qui sont avant tout présents pour tuer plutôt que pour secourir. C’est un peu trop appuyé et caricatural, alors que l’original était plus mesuré, mais on reconnaît bien un des thèmes fétiches de Romero.

Le film n’a donc plus la même force que l’original. Avec la couleur, avec les moyens en plus, il est remis à neuf mais les maladresses de l’original ont été remplacées par des nouvelles imperfections. Le noir et blanc ne semblait pas être une contrainte pour Romero tant il savait l’exploiter dans ses cadrages pour attiser la dangerosité des scènes. Il y avait une forme de poésie cruelle, de tragique. Et le remake se tâte à en montrer plus, tout en restant prudent par rapport à la sobriété du film. Au vu du résultat peu concluant, il aurait mieux valu lâcher les vannes, aller dans une violence directe en cohérence avec son époque. Retrouver un lien avec la société que le film aurait saupoudré d’un sel brûlant. Mais les producteurs ont restreint Tom Savini dans ses ambitions. Le film semble hésiter, et finalement ne propose qu’une version plus accessible, alors que c’est le coup de poing aux tripes asséné par l’original qui lui a permis d’acquérir sa renommée.

Il s’agissait de se faire un peu d’argent avec ce remake mais il rentra péniblement dans ses frais. Ce ne sera pas le seul remake de la série, d’autres suivront, mais il y a des morts qu'il vaut mieux laisser se reposer.