Mayme a toutes les compétences pour être une bonne secrétaire. Malheureusement tous les hommes qui l’emploient cherchent à profiter de ses charmes. Pour éviter ça elle décide de s’enlaidir pour pouvoir faire son travail au mieux. Elle est embauchée au sein de la riche famille Puyster, où le fils est un fêtard et la fille un peu nunuche. Elle va rapidement prendre de plus en plus de place au sein de cette famille, et se confronter à ses difficultés, parmi lesquels un chasseur de ragots ou un courtisan un peu trop intéressé.
Mayme est une jeune femme incarnée à merveille par Norma Talmadge, qui occupe la place centrale du film et en est le moteur. Sa beauté brune se marie avec l’expressivité de son jeu muet. Dans ce film, on la croise tour à tour dépitée, joyeuse, inquiète ou courageuse, toujours avec une grande justesse.
Bien que secondaire, on croise une autre figure du cinéma, bien plus connue, Erich von Stroheim, aussi co-crédité à la réalisation. Il joue une figure grotesque et comique, mais en raccord avec sa légende « l'homme que vous aimerez haïr ». Son personnage avait été mal compris à l’époque, alors qu’il nous semble évident maintenant, c’est une ébauche de paparazzi, à l’affût du potin, parfois prêt à le provoquer.
Avec un tel personnage féminin fort et la critique de certains comportements masculins indélicats, le premier réflexe est d’appliquer une grille de lecture moderne sur le film, en en louant ses intentions féministes dans un climat machiste. Les coïncidences de la vie font qu’un article lu peu de temps m’a permis d’apporter un nouveau regard.
Cet article est celui de Michael Atlan publié en juin 2018 pour le site Slate : « Un siècle avant Weinstein, les femmes dominaient Hollywood ». D'autres du même auteur sont disponibles sur le site, il y a de très bons textes sur le cinéma hollywoodien.
Bien que plus centré sur les années 1930, l'enquête dévoile que le cinéma des premiers temps offrait une large place aux femmes à différents postes de responsabilité. La reprise en main masculine se fera plus tard, avec les conséquences que l’on sait. On y croise aussi un nom, Anita Loos, l’auteur de nombreux scénarios et romans, parmi lesquels Les Hommes préfèrent les blondes.
Elle est mariée à John Emerson, et tous deux ont collaboré ensemble pour ce film, ainsi que d’autres. L’importance de la place de la femme ou de la solidarité féminine s’expliquent donc par ce scénario féminin. Mais il ne faut pas oublier que le public féminin était une part importante de la fréquentation des salles de cette époque.
Est-ce pour autant qu’il ne faudrait résumer La secrétaire particulière que comme un film de femmes pour femmes ? Grands dieux non ! Son visionnage aujourd’hui fait du bien, après un long tunnel de comédies du XXième siècle où la femme devait être au foyer. Son personnage principal capte l’attention, grâce à la richesse de son caractère. Le rythme est parfois trop rapide et excité pour son propre bien, et il n’arrachera pas de grands éclats de rire, mais quelques sourires chaleureux. La secrétaire particulière est une agréable fantaisie comique, mais aussi un bel exemple d’un temps où Hollywood n’était pas encore un endroit où la femme était un objet soumis.