Les cinéastes français sont comme nos politiciens, ils n'aiment pas trop se rendre en banlieue et quand ils abordent le sujet, c'est soit sur un ton humoristique où cela devient du grand n'importe quoi, comme dans Dheepan. Pour son premier film, Mathieu Vadepied avec le soutien d'EricToledano et Olivier Nakache à la production, s'aventure dans la ville de Stains, pour raconter un moment dans la vie d'Adama.


Adama (Balamine Guirassy) est un adolescent de 14 ans, vivant seul avec sa mère Fatou (Léontina Fall). Il tente de concilier ses études et les petits boulots pour aider au foyer, mais il se retrouve en échec scolaire. Un autre chemin s'offre à lui pour advenir aux besoins de sa famille. Avec Mamadou (Ali Bidanessy), ils vont se transformer en dealers et découvrir les avantages et inconvénients de cette nouvelle vie.


La vie en grand est un conte social, parfois naïf, un brin caricatural, mais évite d'être condescendant et moralisateur. Balamine Guirassy est de tout les plans, la caméra de Mathieu Vadepied le suit dans ses pérégrinations. Elle est à la hauteur de ses épaules et nous montre le monde à travers ses yeux. Sa vie est difficile dans une banlieue où il n'a pas grandi, loin de ses frères et sœurs, habitant dans une autre banlieue. En l'absence de son père et du grand frère, il aide sa mère au quotidien en faisant la lessive, travaillant sur le marché et pour les papiers administratifs. A travers les difficultés qu'elle rencontre pour obtenir un travail, il découvre un univers sombre où son avenir semble compromis. Son regard est dur face aux fonctionnaires ne faisant pas preuve d'empathie et semblant avoir oublier d'ou ils viennent. L’entraide disparaît dès que la vie devient plus confortable. Il observe, son regard et rempli de rage, mais il reste silencieux en encaissant les diverses humiliations. Il apprend et attend son heure pour aider les siens.
Le hasard va bien faire les choses avec l'arrestation du trafiquant du quartier. Avec Ali Bidanessy, ils vont se mettre à dealer, en profitant de leurs jeunes âges pour ne pas éveiller les soupçons d'une police encadrant leurs tours. L'argent commence à rentrer, tout semble facile, avant que.....


On est sous le charme de ses deux adolescents, ils sont d'un naturel désarmant. Ce ne sont pas des personnages stéréotypés et leurs performances rendent le film sympathique. Le début est un peu brouillon avec l'impression de voir une intrigue classique. Il faut un peu de temps avant d'apprécier l'ensemble, de s'attacher à ce duo rivalisant avec Walter White et Jesse Pinkman, dont le clin d’œil n'échappe pas au spectateur grâce à un superbe plan. Leurs conversations sont souvent drôles, comme certaines situations. Cela devient un vrai plaisir de les suivre, avec cette envie de les voir s'en sortir et de ne pas prendre un mauvais chemin.
Les caïds sont méchants et les enseignants sont gentils, cela manque de subtilité. L'école est la bonne voie à suivre et ceux qui y enseignent sont des gens qui ne veulent que votre bien...là encore, on a un regard très simpliste du collège. Certes, cela permet d'éviter le misérabilisme inhérent au genre, mais cela donne aussi une vision biaisée du système scolaire où l'échec est courant, comme la dépression et le laxisme face à des élèves difficiles. Malgré ses défauts, le film reste captivant grâce à l'espoir qu'il s'en dégage.


Cet espoir est représenté par l'attitude d'Adama, ne se servant pas de l'argent pour son confort personnel, mais pour donner le sourire à ses frères et sœurs. Il veut faire le bien autour de lui, la manière n'est pas conventionnelle, mais parfois la fin justifie les moyens. Son professeur de sport Stanislas Mauger (Guillaume Gouix) est aussi une lueur d'espoir. Il va s'impliquer personnellement pour aider Adama et tenter de le sortir de la spirale de l'échec. L'adolescent a du grandir trop vite, sa maturité est une force mais aussi une faiblesse. Il ne profite pas de la vie comme les autres adolescents. Il n'a pas l’insouciance des siens, mais n'oublie pas de faire preuve d'intelligence, comme Mamadou, le futur ingénieur.
Cette tranche de vie est une bouffée d'air frais, une belle lueur dans un pays qui passe son temps à stigmatiser la banlieue et ses habitants. La montée du racisme, mais aussi du FN fait de ce film une oeuvre à voir, bien loin des clichés et du paternalisme condescendant de la plupart des soi-disant intellectuels qui dissertent sur nos vies, sans ne l'avoir jamais connu.


Le film fait penser à l'intelligence de Fresh ou à la série Top Boy, des œuvres de qualité. Même si celui-ci n'arrive pas à la hauteur des deux cités précédemment, il s'en approche et fait preuve d'un humour salvateur en évitant de se perdre dans un drame social des plus banals. Balamine Guirassy et Ali Bidanessy sont de belles découvertes, en leur souhaitant de continuer à se promener sur le chemin du septième art.

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le 20 sept. 2015

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Laurent Doe

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