La grande traversée

En 921, alors que le poète Ahmed Ibn Fahdlan (Antonio Banderas) part en exil pour avoir convoité une femme mariée, son expédition rencontre un groupe de vikings, avec lesquels il lie connaissance. Alors qu’Ahmed découvre les mœurs de cette civilisation qu’il ne connaît pas, un jeune garçon arrive pour annoncer que le village du roi Rothgar (Sven Wollter) est en train de crouler sous les attaques de mystérieux barbares venus d’on ne sait où, les Wendolls, et a besoin de renforts. Treize guerriers sont désignés par une voyante pour être de ces renforts, mais le treizième d’entre eux ne doit pas être viking. Ahmed part alors en compagnie des autres guerriers pour lutter contre un ennemi que personne ne connait.

Film victime d’une réputation d'oeuvre maudite, on sait dans quelles conditions se déroula son tournage, voyant se disputer constamment le réalisateur John McTiernan et le producteur Michael Crichton, ce dernier étant également (et avant tout) l’auteur du roman ici adapté. L’un et l’autre avaient donc leur mot à dire, et il est particulièrement dommage qu’ils soient entrés en conflit alors qu’ils se complètent à merveille. De fait, si McTiernan est un génie de la mise en scène (on lui doit A la poursuite d’Octobre rouge, Piège de Cristal, Predator), notamment des scènes d’action, Crichton a régulièrement prouvé dans sa littérature (Jurassic Park, Sphère, La Proie, Prisonniers du temps) qu’il sait raconter une histoire comme personne.
Ici, le talent conjoint de ces deux artistes se révèle particulièrement efficace, le film bénéficiant d’un rythme très soutenu, d’une ampleur visuelle et d’un souffle épique qui font merveille, ainsi que d’un scénario clair et bien mené. Certes, le montage est un peu boiteux, John McTiernan étant parti du film alors qu’il était encore en post-production, ayant ainsi laissé le montage à Michael Crichton, qui n’hésita pas à sacrifier certaines scènes. C’est sans doute ce qui fait qu’on a parfois l’impression que le film avance trop vite (notamment l’ouverture du film, qui explique en moins de deux minutes le contexte, la romance d’Ahmed, totalement anecdotique, ou

mais ce n’est qu’à moitié un défaut, puisqu’il devient proprement impossible de s’ennuyer face à un récit aussi dense que spectaculaire, qui nous offre en prime de superbes scènes de combat.
Si certains en veulent à Crichton, pour des raisons plus ou moins légitimes, d'avoir "trahi" le montage initial de McTiernan, en l'ayant amputé d'une dizaine de minutes, le premier montage s'avérant, d’après les acteurs, très différent de ce que l’on connaît aujourd’hui, on ne peut toutefois dénier à Crichton d’avoir eu le génie de prendre Jerry Goldsmith pour composer la musique du film, ayant rejeté la partition initiale de Graeme Revell. Evidemment, on ne sait ce qu’aurait valu cette dernière, mais ce choix apparaît aujourd’hui comme une évidence, tant Goldsmith s’avère au sommet de son art, composant une musique d’une splendeur incroyable, sans laquelle il manquerait quelque chose au film.
Finalement, si on ne peut avoir aucune idée de ce à quoi aurait ressemblé Le Treizième guerrier sans le conflit McTiernan-Crichton qui le fit rentrer dans l’histoire du cinéma, ainsi que l’échec commercial qui s’ensuivit, on pourra tout de même y voir une collaboration, certes forcée, mais tout-à-fait fructueuse qui, à défaut de nous offrir un chef-d’œuvre, nous donne un film d’aventures épique et captivant, qu’on prend sans faire le difficile.