Il y a quelques heures encore, j'étais entrain de discutailler avec l'ami @meifu de ce bon vieux John McTiernan en déversant sans retenue mon admiration pour le bonhomme et le manque cruel que son absence crée dans le cinéma d'action actuellement. Mine de rien, cette conversation de quelques mots allait décider du film que je viens de m'enfiler à nouveau.
Ouais parce que ça va bien de se lancer Predator pour se faire encore et encore la scène des hélicos sur Long Tall Sally en récitant les répliques en même temps que les personnages ou de s'retaper pour la énième fois la course poursuite du taxi dopé de John McClane dans Une Journée en Enfer à la simple évocation du nom du type à la caméra aussi déchaînée que réglée au millimètre. Là, j'voulais me taper un film entier, et même si j'ai hésité quelques secondes à me lancer l'histoire de Dutch Schaefer et ses potes pour la 2058ème fois, j'ai préféré ce coup ci opter pour un film que je n'avais pas vu depuis un temps éloigné, presque enfantin.
John décide donc de se détacher des flingues pour tenter une fresque à l'épée, et bien loin de moi l'idée de parler ici de ce film d'un point de vue historique, je suis loin d'être assez calé sur le sujet pour en avoir quelque chose à dire. Nan nan. Moi j'mate un film de McTiernan, laissez moi savourer mon plaisir, parce que bordel, plaisir il y a là dedans, et putain mais j'avais oublié à quel point.
Au début, on peine à retrouver l'art de John derrière l'objectif, et on se sent loin du type qui jadis nous empoignait les tripes pour les garder serrées dans un étau pendant 1h40 sans relâche. Et puis, petit à petit, John s'affirme derrière ces gueules découpées à la machette et ces peaux de bête pour filmer avec un certain brio cette nouvelle forêt mystérieuse, tanière d'un nouvel ennemi aussi mortel qu’énigmatique.
Alors bien entendu, jamais John ne retrouve le doigt du Génie qui l'avait effleuré à l'époque où il filmait avec violence et fougue une forêt mexicaine suffocante, mais il faut bien avouer que c'est non sans talent qu'il met en scène ces frondaisons celtiques croupissant dans le sang et la boue, balayées par les rais d'une lumière blafarde et fantomatique, muraille titanesque et sombre d'un silence de mort. L'espace prend vie, s'installe remarquablement, et John est enfin là, et bien là.
Je n'sais pas si ce sont des clins d'oeil ouverts à son chef d'oeuvre de 87 ou juste ses obsessions personnelles, mais des corps mutilés, pendus par les pieds, la tête arrachée, des arbres tombés dans l'obscurité, la torche d'une flamme vacillante crépitant au dessus, les hommes rampant dans la chienlit, dans un fossé obscure, stoppant net pour écouter le bruit d'un pas menaçant, autant de petit trucs qui on tracé un sourire de souvenir sur ma face en repensant à un type couvert de boue jouant à cache cache avec un alien à mandibules. Autant de scènes épicées qui tabassent m'ayant fait poussé un "Yeah !" devant mon écran. (bah ouais)
Mais bref, au delà de ça, ce film passe tout seul, l'oeil fou de John retrouvant son ardeur peut être pour la dernière fois à ce jour, filmant avec une grandeur épique quelques combats mémorables dans cette souillure viciée de mythe anxiogène et sanglant, et au final, même Antonio Banderas, campant l'homme qui apprend à parler viking en deux jours (mais j'aime bien la façon dont c'est amené), s'en sort bien, aux côté de quelques trognes bien choisies et fortement attachantes. Et malgré l'arrière goût amer d'un montage chaotique, c'est puissant sans être juste bourrin, fort, blindé de paysages somptueux qui font vite oublier les quelques horreurs en images de synthèse du début, et c'est complètement efficace. Terriblement jouissif. Un groupe de vikings priant Thor et Odin allié à un arabe s'agenouillant devant Allah sous les détonations de la bataille approchante, singeant de manière plaisante Conan s'adressant à Crom, dressant une muraille de pieux face à une armée d'êtres ténébreux dessinant dans la brume leurs vagues silhouettes d'ours, Fuck yeah.
Ah oui, et sinon, derrière, comme si de rien n'était, monsieur Jerry Goldsmith compose son chef d'oeuvre, partition magistrale elevant la plupart des scènes à un diapason irrésistible et se permettant parfois la comparaison avec un certain Basil Poledouris alors qu'il composait pour Conan Le Barbare.
Excellent moment justement punchy, maîtrisé, très bon film, musique parfaite.
Maintenant, on attend toujours le fameux Director's Cut perdu...