C'est vraiment avec Le Deuxième Souffle que la seconde vie de Melville commence, celle des polars noirs épurés où l'action et la tragédie sont privilégiées face aux dialogues et potentielles lourdeurs inutiles.
Dès les premières secondes avec l'évasion, il nous fait rentrer au coeur du récit en nous faisant suivre le périple de cet évadé où amitié, dignité, trahison, police et honneur vont être au rendez-vous. Pas d'histoire d'amour ou de complexité inutile, Melville va à l'essentiel et cela il le fait à merveille, bénéficiant d'un scénario adapté de José Giovanni parfaitement ficelé et mettant en place une ambiance sombre, parfois trouble, toujours prenante et de plus en plus fataliste et tragique.
Il orchestre donc son récit avec brio, trouvant toujours le bon équilibre et sachant nous immerger au centre du récit pour mieux y ressentir la noirceur, la violence du milieu et la tragédie. Il axe son film sur Gu, ne cherchant pas à le juger malgré des actes criminels mais préférant observer le milieu du crime, ainsi que celui des flics, et les relations qu'il aura avec son entourage et ceux qui vont être mêlés à ses affaires. Tout le long il place un soupçon d'ambiguïté sur lui, ainsi que l'ensemble des personnages d'ailleurs, et l'une des grandes réussites du film viendra de son opposition avec le flic (immense Paul Meurisse). Il fait ressortir, sans artifice, toute la complexité et les sensations des protagonistes, notamment Gu à qui un formidable Lino Ventura offre présence, force et émotion.
Jean-Pierre Melville propose une oeuvre très épurée, avec une mise en scène parfaite et millimétrée, laissant peu de place aux hasards et rendant son récit captivant de la première à la dernière seconde. Le rythme lent est adéquat à la façon de faire de Melville qui donne une intensité de plus en plus forte, jusqu'à un final mémorable et inéluctable. Il opte toujours pour le ton juste alors qu'il mêle plusieurs intrigues en même temps pour finir par les regrouper, tandis que sa science du cadrage et du détail participe pleinement à cet immense édifice qu'est Le Deuxième Souffle.
Pour l'anecdote, le film devait d'abord être tourné en 1964 avec Serge Reggiani, Simone Signoret, Lino Ventura ou encore Roger Hanin dans les rôles respectifs de Ventura, Christine Fabréga, Paul Meurisse et Marcel Bozzuffi, mais ce premier projet fut abandonné, malgré les contrats signés, à cause de problèmes financiers (ainsi qu'un autre projet similaire où Jean Gabin était impliqué).
Jean-Pierre Melville commence une nouvelle phase dans son cinéma avec Le Deuxième Souffle, dans un style plus épuré et direct, servi ici par une ambiance sombre, intense et tragique où le metteur en scène de Le Doulos orchestre son récit avec brio et grand talent, bien aidé par d'immenses comédiens.