Pour qu’un road-movie soit bon, il doit pouvoir alterner judicieusement déplacements et haltes, créer un équilibre entre les personnages emportés ensemble malgré eux le long du voyage, savoir surprendre le spectateur au fil des étapes et des rencontres inattendues ; mais aussi prendre des raccourcis, des itinéraires bis, faire des demi-tours, se perdre puis reprendre sa route, sans se soucier vraiment d’arriver quelque part, car « le but n'est pas le but, c'est la voie. » Et cela, Dino Risi l’a non seulement compris mais en plus couché sur la pellicule.
Grâce à un art de la comédie, un très bon scénario, d’excellents dialogues, une maîtrise parfaite du rythme et un Vittorio Gassman toujours aussi extraordinaire, plein de gouaille, de répartie, d’humour mais aussi de défauts bien humains, Il Sorpasso est sans aucun doute un des meilleurs films du genre, ayant de fait fortement inspiré Dennis Hooper pour son chef d’œuvre Easy Rider.
On entend souvent parler de la lecture socio-politique y voyant l’éloge d’une époque radieuse, après la misère magnifiée par le néo-réalisme qui le précède; cependant elle est insuffisante pour saisir le film. Certes, il y a une peinture de cette époque, mais elle semble plus subie que voulue (film de son temps plus qu’un film sur ce temps). C’est plutôt, derrière la comédie qui se trouve au premier plan, une critique destinée à cette Italie fourbe et individualiste, fuyant ses responsabilités sociales, incarnée par Glassman qui est mise en avant en même temps qu’un message adressé à une jeunesse trop timorée, se fanant trop vite et se devant de profiter de sa vie.
Un excellent moment de cinéma, avec des scènes remarquables, un verbe plein de vitalité et un humour aussi franc qu’innocent, à peine terni par la scène finale, choisie pour des conditions climatiques*.
- « Mario Cecchi Gori, le producteur du film, avait pensé à une fin différente de celle décidée par Dino Risi, c'est-à-dire celle de cadrer les deux protagonistes alors qu'ils filent vers l'aventure, mais cette fin n'a pas été adoptée : en effet, les deux hommes avaient parié que si le lendemain de la dernière prise de vue il y avait eu du beau temps, ils auraient tourné la fin voulue par Dino Risi ; sinon, ils auraient fermé le plateau et adopté la fin heureuse de Mario Cecchi Gori. Mais le soleil ce jour-là, selon Dino Risi, était beau et lumineux et cela a conduit au choix de la fin tragique. » Wikipedia.it