La fin d’un monde
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Avec cette traduction cinématographique d'un roman célèbre en Italie, Luchino Visconti réussit son chef-d'oeuvre absolu, qui résume tout son style, en tout cas, en fervent admirateur du cinéaste, c'est mon préféré, juste devant Ludwig. Je crois que aucun film n'a autant contribué à définir l'adjectif "viscontien" dans l'histoire du cinéma tant la splendeur du Guépard est manifeste. Splendeur des décors et des costumes, souffle poétique mêlant le romanesque et la méditation, beauté des acteurs et ambiguïtés de leurs personnages, atmosphère de subtile décadence vue avec une tendresse mélancolique, car le film comme le roman (auquel Visconti est resté très fidèle) montrent le basculement d'une époque qui a vu une aristocratie vieillissante passer le flambeau à une nouvelle classe sociale grandissante, celle de la bourgeoisie. Ceci est symbolisé par les personnages : le prince Salina, un patriarche superbe, assiste résigné à la mort d'une société dont il fut l'un des maîtres ; au cours de la fameuse scène du bal, il se promène dans les salons en constatant que sa caste en est réduite à sa pompe et à son apparat tandis que s'installe la nouvelle classe dirigeante à travers le père d'Angelica, paysan enrichi et parvenu. Ce bal est aussi un miroir pour le prince car il s'y voit sur le point de mourir, à la fois parce qu'il se sent vieux, et parce que le monde qu'il représente doit quitter la scène historique.
Ce prince incarné par un Burt Lancaster fantastique, au jeu monolithique et subtil d'une puissance fascinante s'oppose au renouveau de la démocratie incarnée par son neveu Tancrède joué par un fougueux Alain Delon qui forme un couple lumineux avec Claudia Cardinale en suave Angelica qui resplendit littéralement dans sa robe de bal blanche. Ce trio est donc aussi éblouissant que les fastueuses demeures siciliennes de Palerme, on vibre à sa présence, et particulièrement lors de cette anthologique séquence du bal qui occupe la dernière heure du film et qui symbolise tout le raffinement et l'élégance dont pouvait faire preuve Visconti dans sa mise en scène et sa reconstitution en poussant le luxe de tourner cette scène de nuit pour atténuer la chaleur accablante, avec costumes et toilettes d'une beauté sans égale et une figuration importante dans un authentique palais sicilien. Visconti excellait dans ce genre de cinéma raffiné et précieux surtout avec ce film construit comme un tableau dont aucun détail n'a été négligé. Un très grand film, admirable, magnifique et beau, que je ne me lasse pas de revoir, et dont la VF dialoguée par René Barjavel, a été réalisée à la perfection.
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le 12 déc. 2016
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