Quelle claque ! À peine remis de La Dolce Vita de Fellini, voilà Visconti qui me met face à Le Guépard, oeuvre d'une immense richesse, défiant l'épreuve du temps et s'approchant de la perfection, tant dans le fond que dans la forme.


Ici Visconti nous plonge littéralement dans l'Italie du XIXème siècle pour y suivre le déclin d'une certaine aristocratie et la montée de la bourgeoisie, avec un contexte politique très fort, celui de lutte contestataire notamment menée par les chemises rouges. Visconti met en place plusieurs mondes, et classes sociales, différents, les croise et créé des liens entre eux, le tout avec une grande, fine et intelligente écriture et qui renforce la richesse de l'oeuvre et la vision d'un monde qui doit se reconstruire alors que l'Italie a du mal à se construire.


Le contexte est très passionnant, surtout qu'il est ici bien exploité tandis que Visconti n'oublie surtout pas de bien mettre en place, et faire intelligemment évolué, les personnages. Axé autour d'un prince vieillissant et lucide sur le sort, à long terme, des siens, ils sont tous intéressants et aucune ne laisse indifférent, tant le neveu de celui-ci ou celle promise à ce dernier. Bijou d'écriture, Le Guépard est passionnant et chaque seconde sublimée par la mise en scène de Visconti qui met en place une ambiance aussi fascinante que crépusculaire voire mélancolique, sachant dans le même temps faire ressortir l'émotion et la puissance des enjeux et personnages, que ce soit par les majestueux dialogues ou de simples regards ou non-dits.


Si le fond est passionnant et extrêmement bien écrit, que dire de la beauté formelle de l'oeuvre ? C'est tout simplement somptueux et Visconti livre une époustouflante succession de magnifiques tableaux. Tout est parfaitement orchestré et approche des degrés de perfection, tant dans les mouvements de caméra, que la photographie, la lumière, les décors, la magnifique partition de Nino Rota ou les costumes. Les plans de Visconti sont toujours judicieusement choisis, sachant bien mettre en valeur les sentiments des personnages ou le contexte de l'époque. Chaque image est minutieusement travaillée tandis qu'il capte le temps, donnant des scènes mémorables et merveilleuses à l'image de la longue séquence du bal ou du final.


Le rythme est judicieusement choisi, permettant à Visconti de mettre en place le crépuscule d'une classe, les jeux de pouvoirs ainsi qu'une Italie vivant dans une période difficile où les tensions sont fortes. Tout cela, Visconti nous y plonge pour nous donner l'impression d'être aux côtés des personnages. Et enfin, Le Guépard c'est aussi un formidable Burt Lancaster, lucide et émouvant apportant sa présence et sa classe, un Alain Delon au sommet de son charisme, voire même de sa carrière avec son bandeau, ainsi qu'une Claudia Cardinale magnifique. Des interprètes qui deviennent des personnages historiques, se fondent dans leur rôle et bénéficie d'une excellente direction. En 1963 à Cannes, Visconti et Le Guépard remporteront la récompense suprême en battant Hitchcock et Les Oiseaux ainsi que Fellini et son 8 1/2.


Une oeuvre immense, tant sur le fond que la forme où Visconti nous imprègne de l'ambiance crépusculaire de ce monde à reconstruire et nous plonge littéralement dans une oeuvre aussi passionnante qu'émouvante.

Créée

le 14 sept. 2015

Critique lue 3.8K fois

61 j'aime

17 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 3.8K fois

61
17

D'autres avis sur Le Guépard

Le Guépard
SBoisse
10

La fin d’un monde

Avant d’être un film, Le Guépard est l’unique roman d’un extravagant écrivain. Giuseppe Tomasi, 11e prince de Lampedusa et 12e duc de Palma, et le dernier mâle d’une famille que des biographes...

le 16 mars 2020

76 j'aime

12

Le Guépard
Docteur_Jivago
9

À cheval entre deux mondes

Quelle claque ! À peine remis de La Dolce Vita de Fellini, voilà Visconti qui me met face à Le Guépard, oeuvre d'une immense richesse, défiant l'épreuve du temps et s'approchant de la perfection,...

le 14 sept. 2015

61 j'aime

17

Le Guépard
DjeeVanCleef
9

Gare au bal, dis !

J'avais envie de jacter de "Apocalypto" de Gibson et je me suis dis non, dis deux ou trois mots sur "Le Guépard" d'abord, ça parle de la même chose : du monde qui bascule. Quand on me parle de cinéma...

le 27 oct. 2013

61 j'aime

13

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

167 j'aime

50

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

152 j'aime

34