En 1327, le franciscain Guillaume de Baskerville arrive dans une abbaye bénédictine du nord de l’Italie. Il se trouve qu’elle est secouée par une série de morts suspectes, que Baskerville va élucider, avec l’aide de son novice Adso. Il va ainsi mettre au jour un sombre complot obscurantiste dirigé par un vieux moine aveugle (mais non, c'est pas un spoil ! C'est évident dès la première apparition du personnage), pour cacher à ses moines que rire, c'est pécher… Voilà, en gros, le résumé d'un des scénarios les plus mal écrits de l'histoire du cinéma.
L’obscurantisme, on le trouvera surtout dans l’esprit de Jean-Jacques Annaud. Je l'avoue, je n'ai pas lu le livre d’Umberto Eco, donc je donnerai à Jean-Jacques Annaud le bénéfice du doute quant à l’origine de l’ineptie du scénario. Oui, parce que le vieux moine aveugle qui garde jalousement ses manuscrits dangereux au fond de sa bibliothèque, finissant par les brûler (pourquoi ne les brûle-t-il pas dès le début, dans ce cas ? Mystère !), sous prétexte qu’ils défendent le rire, qui est ennemi de la foi (!), on y croit plus que moyennement… Annaud est surtout coupable d’avoir adapté cette histoire profondément débile, et d’en avoir profité pour véhiculer un condensé de tous les clichés erronés qu’on peut aujourd’hui avoir sur le Moyen-Âge. En effet, Jean-Jacques Annaud méprise l’Histoire, il méprise l’Eglise, il méprise le cinéma, et comme Jean-Jacques Annaud ose tout (c’est même à ça qu’on le reconnaît), il pousse son mépris jusqu’à prendre son spectateur pour un con (il y a un stade où il n’y a malheureusement pas d’autres mots). Et en plus, ça semble avoir marché...
Sur le fond, on ne nous épargne donc rien : les moines amoureux d’une femme (une scène de sexe qui arrive comme un cheveu sur la soupe, et qui, en plus, est mal filmée et ne sert strictement à rien) voire d'un autre moine, l’Inquisiteur qui brûle un peu tout le monde, la masturbation intellectuelle des ecclésiastiques qui se disputent pour savoir si Jésus possédait quelque chose (sa tunique était-elle à lui ?), le vieux moine aveugle qui garde jalousement ses manuscrits interdits dans une bibliothèque labyrinthique, etc… Tout y passe ! Tout ça pour nous dire que l’Eglise médiévale était corrompue et desséchée au point de ne même plus tolérer le rire ! Ce qui prouve que si Jean-Jacques Annaud hait l'Eglise et le Moyen-Âge, il n’a même pas cherché à se renseigner dessus. Ou s'il croit vraiment que son film reflète la vérité historique, il est juste bon à enfermer...
Le pire, c’est peut-être que pour servir un propos aussi incohérent, la forme du film prête encore plus à rire. Hormis Sean Connery, comme toujours excellent (mais pas très crédible en moine), tous les acteurs semblent concourir pour le Razzie Award du pire acteur de la Terre. Christian Slater est pathétique avec ses mines illuminées (on n’a pas bien compris pourquoi, puisque la plupart du temps, Sean Connery lui donne tort), F. Murray Abraham n’est pas bien meilleur en juge à la sévérité plus que caricaturale, mais c’est l’inénarrable Ron Perlman qui remporte la palme de l’acteur le plus insupportable de tous les temps. Je ne sais pas trop si on était censé s’apitoyer sur cet handicapé mental qui est condamné pour n’être pas comme les autres (encore un cliché à la dent dure !), mais je n'ai eu qu’une envie tout le film durant : qu’il meure le plus vite possible (je n'ai malheureusement pas été exaucé)… D’ailleurs, on dirait que les acteurs les plus moches et les plus mauvais de la Terre ont été recrutés pour incarner les moines, afin de bien souligner qu’un monastère médiéval ne pouvait être qu’un vaste asile de fous. Je n'ai pu m'empêcher, tout le film durant, de penser que si le ridicule tuait, il nous aurait au moins débarrassés d’un bon nombre de parasites du cinéma contemporain... mais non, même pas.
Quant au nom de la rose en question (la jeune fille dont Adso est amoureuse, on peut le supposer, puisque c'est la seule femme du film), à la fin, on nous apprend qu'on ne le saura pas, et c'est tant mieux, parce que, franchement, on s'en fout.
Bref, quoiqu’il en soit, le film de Jean-Jacques Annaud est une torture pire que celle que peut infliger le Grand Inquisiteur, et le réalisateur un obscurantiste encore plus retors que le vieux moine qui cherche à cacher la vérité. En effet, Annaud ne se contente pas de la cacher, il la transforme. On sort heureusement du film avec la certitude que l’Histoire saura juger plus sévèrement ceux qui l’ont jugé aussi arbitrairement pour leur seul plaisir personnel, en les faisant basculer dans les tréfonds de l’oubli… L’Eglise restera, l’Histoire se relèvera, le cinéma aussi, mais Annaud passera (si ce n’est pas déjà fait). C’est déjà ça de gagné.
*Merci à Audiard de m'avoir fourni mon titre...
PS : Si vous trouvez que je n'argumente pas assez cette "critique", qui ressemble davantage à un coup de gueule qu'à une critique, je me suis longuement expliqué dans les commentaires ci-dessous...