Un récit troublant, très sensuel mais pouvant déranger par son climax pour le moins particulier!

Tom Tykwer, réalisateur allemand, nous livre un récit troublant sur un personnage étonnant, à la fois un artiste plein de talent et un meurtrier sans coeur. Le sens de l'odorat est merveilleusement montré à l'écran, à travers images, sons et musiques. Beaucoup de sensualité, mais également un style assez spécial qui pourra déranger certains.

Le jeune Ben Whishaw interprète à merveille ce jeune personnage dénommé Jean-Baptiste Grenouille, doté d'un odorat surpuissant. Tiré du roman de Patrick Süskind, "Le Parfum: Histoire d'un Meurtrier" raconte la vie de cet individu différent des autres.

Dès sa naissance, le jeune Jean-Baptiste est maltraité et laissé de côté, d'où son côté solitaire. Il a néanmoins un don unique: son odorat. Sa passion est les odeurs et, malgré sa condition de misère, il va faire la demande à un parfumeur (Dustin Hoffman, très en forme) de lui expliquer l'art de créer un parfum. Avec toutes les techniques qu'il apprend et sa passion grandissante, une obsession va naître en Jean-Baptiste: celle de créer LE meilleur parfum du monde, capable de séduire toute personne qu'il croiserait sur son passage. Pour ce faire, roses et autres arômes ne suffisent pas. Ce qu'il lui faut, c'est l'odeur des belles femmes! Endiablé par cette obsession, il n'hésitera pas à tuer des femmes pour la confection de ce parfum unique...

L'adaptation de cette histoire sur grand écran est impressionnante, surtout pour la manière que le réalisateur a choisie afin d'illustrer ce sens de l'odorat que le spectateur ne peut que s'imaginer à travers des images et des sons. Gros plans de nez, sons d'inspiration, images d'objets particuliers avec une odeur particulière... le travail pour reconstituer ce sens de l'odorat à travers un film a été merveilleusement réalisé. La création de parfums est un art, et cet aspect a fort bien été montré à l'écran.

Il y a cependant certains aspects peu crédibles dans ce don, par exemple dans une scène où Jean-Baptiste reconstitue un parfum qu'il a senti auparavant en prenant sans la moindre hésitation des bouteilles contenant des liquides munis d'une odeur bien particulière qu'ils ne connait pas du tout, et de les mélanger entre eux de façon un peu rébarbative. Aussi sa faculté à sentir par exemple une grenouille en dessous de l'eau ou des personnes à des kilomètres à la ronde passe pour du pur fantastique. Mais bref, le but du réalisateur était sûrement d'exagérer pour nous marquer plus, bien qu'ils y a quelques scènes qui ne passent pas trop.

On ne peut s'empêcher d'être happé par les sentiments que Jean-Baptiste éprouve à l'odeur exquise des femme ou d'autres éléments. Le côté émerveillement est fortement mis en avant dans la première partie du film, et le spectateur encourage intérieurement ce jeune homme talentueux capable d'identifier toutes les odeurs et d'en faire les mélanges les plus incroyables. Certains indices nous préparent cependant à la suite à venir.

Depuis sa naissance, plusieurs morts ont eu lieu dans l'entourage de Jean-Baptiste (morts auxquelles il n'a pas assisté): sa mère pendue, sa responsable égorgée, son patron noyé, son mentor parfumeur mort sous les décombres de sa propre maison... toutes ces morts ont cela de commun, que le réalisateur les montre de façon comique ou plutôt banale, agréées du commentaire d'un narrateur qui, on dirait, à plutôt l'air de s'en foutre de ces personnes qui meurent ou sont assassinées. Certains n'y verront qu'un côté comique et sarcastique sur la mort.

Pourtant, ces scènes nous préparent à nous mettre dans l'esprit de Jean-Baptiste dans la seconde partie du film, où, rongé par sa passion, il ne ressentira pas la moindre peine à chaque femme qu'il tuera. La première femme, il l'avait tuée involontairement dans une rue, alors qu'il voulait sentir son odeur mais que elle le prenait pour un fou. Etrangement, en tant que spectateurs, nous nous contentons d'être compréhensif face à ce personnage passionné, livré à l'accomplissement de son but fou. L'enchaînement des meurtres finit tout de même par nous troubler: d'un côté cet individu est un artiste, il veut créer un parfum parfait et c'est très bien ainsi, mais de l'autre il tue et c'est mal. Nous nous demandons finalement ce qui est juste ou non dans les actes du personnage.

Pour achever son parfum, il lui faut l'odeur de la plus belle fille qu'il ait vue jusqu'à présent, une rousse qui s'avère être la fille d'un noble qui veut la protéger à tout prix du tueur. Les acteurs qui campent ces deux personnages ne sont autre que Rachel Hurd-Wood, impressionante surtout dans ses pauses, et Alan Rickman, qui nous offre ici une de ses meilleures interprétations, incarnant à merveille ce père terrifié à l'idée de perdre sa fille.

Jean-Baptiste va être démasquer et condamné à mort. Et c'est précisémment cette scène de la condamnation à mort qui s'avère être la plus troublante, la plus symbolique sans doute et la plus marquante, car Jean-Baptiste est bien venu au bout de la création de son parfum, et c'est à ce moment là qu'il le présente à ses bourreaux et à tout le public. La réaction de la foule est fortement exagérée, afin de nous montrer à quel point le parfum est parfait, et s'ensuit une longue scène dotée d'un lyrisme et d'une sensualité très marqués. La musique, qui marquait déjà beaucoup de scènes d'une touche sensuelle, apportant des sentiments d'amour, de peur et autres, est ici encore plus forte et touche le coeur des spectateurs. Je ne prendrai pas le risque de dévoiler cette scène au cas ou certains auraient envie de découvrir le film.

Certains aimeront cette scène, d'autres la détesteront sans aucun doute. L'art est souvent un sujet à controverse et le travail de Tom Tykwer sur ce film soulève justement pas mal de question. Personnellement, j'ai trouvé l'idée de cette scène assez originale, quoique assez exagérée. On n'y a pas vraiment été préparé avant, le film passant d'une narration dont la logique est réaliste à une fiction totalement abstraite.

En tout cas, bien que le style du réalisateur n'est pas toujours bien dosé et est très spécial, la mission de représenter à l'écran le sens de l'odorat a merveilleusement été réussie!
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le 22 mai 2014

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