Suite à l'immense succès du Parrain, Francis Ford Coppola met d'abord en scène Conversation secrète avant de se lancer dans la suite de la saga sur la famille Corleone (ce qui lui permettra de faire coup double en 1974/1975, obtenant d'abord la palme d'or pour le premier, puis 6 oscars dont meilleur film et réalisateur pour le second quelques mois plus tard).
Garde tes amis près de toi et tes ennemis plus près encore
C'est encore vérifié dans cette seconde partie du Parrain où Coppola met à nouveau la barre très haute, livrant un somptueux opéra sanglant tout en sachant s'éloigner du premier opus pour continuer à approfondir les personnages et thématiques. Ici, c'est à la fois une suite et un retour en arrière, Le parrain du Nouvel Hollywood décrit deux générations, tandis que Michael (Al Pacino, toujours grandiose) poursuit son ascension dans le pouvoir et sa déchéance dans la solitude, la trahison et la cruauté. Il s’intéresse aussi à l'histoire de son père (De Niro, fabuleux dans un style très proche de Brando), né à Corleone au début du siècle, où une vendetta sanglante fit de lui un orphelin et un émigrant pour Ellis Island, puis on va suivre son ascension et sa prise de pouvoir sans remord.
D'ailleurs, dès cette première séquence au début du siècle en Sicile, puis l'arrivée sur le nouveau continent, le ton est donné et Coppola livre déjà un modèle du genre. Il alterne entre les deux époques et c'est là l'une des principales réussites de ce volet, tant il arrive à en capter chacune des spécificités et les différences entre l'Amérique du début du siècle et celui des années 1950. La construction du récit (toujours un bijou d'écriture) est remarquable, il passe d'une époque à l'autre avec aisance tandis qu'il continue de dresser de fascinants portraits de personnages, tant Michael Corleone, d'une froideur extrême et dont la violente et l'implacable ascension le renfermera sur lui-même et sa solitude, que son père, jeune immigrant qui se fera peu à peu une place importante à New York.
La violence est toujours au coeur du récit, que ce soit dans les personnages où la façon dont Coppola montre qu'elle a suivi partout cette famille, de la Sicile jusqu'aux USA. Ici, c'est à nouveau la violence qui permet de régler les problèmes, une violence physique mais aussi morale, notamment autour du personnage de Pacino et de ses rapports avec ses frères, soeurs et sa femme. Coppola met en avant comment Vito Corleone a construit son empire autour de sa famille tandis que Michael l'a détruit peu à peu et c'est là que la tragédie prend acte, dans la rupture et la coupure des liens familiaux plus que dans le monde du crime, de la corruption et de la violence. C'est d'ailleurs là que le film est aussi remarquable, il fait ressortir toute la tragédie et l'émotion des liens entre Michael et Kay (campé par une, comme toujours, formidable Diane Keaton). Les traditions, les bals, les réunions de famille, la descendance, tout cela est encore mis en avant par Coppola, où l'honneur et la famille sont au centre du récit.
L'immersion au coeur du crime organisé est toujours totalement prenante tant ce second volet dégage une immense puissance. Chaque plan, chaque dialogue, tout le travail sur les lumières (remarquable, notamment dans les différences entre les deux époques), tout semble si parfait, si millimétré et se rapprocher de la perfection. Chaque seconde est riche en émotion et profondeur tandis que Coppola met en place une atmosphère aussi fascinante que tragique et même mélancolique, dont il en fait ressortir toute la complexité, l'émotion et la force. Les acteurs sont toujours, à ce point, formidables (en plus de ceux déjà cités, Robert Duvall est, lui aussi comme d'habitude, excellent), tandis que la belle bande-originale ainsi que la parfaite reconstitution, ne font que favoriser l'immersion. Coppola, et Puzo débordent d'idées et rendent plusieurs scènes marquantes, à l'image du souvenir de famille, des premiers pas de Vito Corleone dans le crime ou les plans sur un Pacino de plus en plus puissant et seul.
Avec les deux premiers opus du Parrain, Coppola livre deux actes d'une tragédie qui ne font qu'un, deux actes où il en fait ressortir toute la complexité, l'émotion et la puissance, tout en dressant d'implacables tableaux de personnages dans un milieu gangréné par la violence. Un bijou.