Le début des années 90 furent synonymes de légèreté pour Nicolas Cage, l'acteur américain enchaînant les petits films oubliables allant de la comédie sans panache au film noir quasi-télévisuel (tout le monde a oublié Deadfall et c'est tant mieux). Il faudra attendre 1995 et la sortie de Leaving Las Vegas pour assister non seulement à une véritable renaissance de l'acteur mais également à une tournure professionnelle épatante, l'ex-Sailor Ripley devenant par la suite une star du film d'action hollywoodien. En ce qui concerne Leaving Las Vegas, c'est la consécration : une critique encensante unanime, des nominations de partout et surtout un Oscar décerné par Jessica Lange...
Et pour cause : la prestation de Cage est bluffante, au même titre que celle de sa partenaire Elisabeth Shue. Il incarne Ben Sanderson, un scénariste alcoolique qui, après s'être fait virer, décide de se suicider à l'alcool sous les lumières de Las Vegas. Là, il y rencontre Sera, une pute paumée qui va se prendre d'affection pour lui. C'est le début d'une incroyable histoire d'amour entre deux êtres déchus sombrant dans l'enfer le plus lumineux de la Terre. Mike Figgis (Les Leçons de la vie) filme une relation sincère, touchante, quasi-documentaire par moments, délaissant les caméras habituelles pour une super 16mm granuleuse afin de nous plonger au cœur-même de l'aventure. Déstabilisant, parfois violent mais aussi émouvant et même drôle, le long-métrage s'avère incroyablement poignant, le réalisme dans lequel il baigne nous déchirant autant que les protagonistes.
Nicolas Cage est renversant dans la peau de cet être auto-destructeur constamment soul, charmeur à deux balles aux proses à la fois vulgaire et poétiques mais nanti d'un bon fond indélébile, tandis qu'Elisabeth Shue, filmée tel un ange salvateur prête à tout abandonner pour sauver comme elle peut cet homme aussi perdu qu'elle, nous fait rapidement oublier ses précédentes prestations comiques. Ainsi, film fauché empreint d'une atmosphère sombre et pesante d'un hypnotisme rare, Leaving Las Vegas fait partie de ces histoires d'amour uniques, intemporelles et hors du commun, des histoires d'amour noyées dans l'alcool, le fric et la déchéance d'où émergent à quelques recoins une grâce innommable. Un film dans tous les cas marquant, presque un chef-d'œuvre.