Dans le genre vaste comme les plaines qu’est le western, on pourrait distinguer le sous-genre du convoi : une expédition collective visant une nouvelle terre à conquérir, à l’image de cet opus d’Anthony Mann ou du très beau Convoi de Femmes de Wellman.


La destination est ici celle d’un Eden, d’autant plus idéalisé que le monde qui l’entoure est déjà corrompu. La virginité est une utopie par laquelle l’ensemble des personnages va se voir offrir une seconde chance : la communauté va pouvoir quitter la ville et ses miasmes délétères, et deux de ses champions faire table rase d’un passé qui, western oblige, encombre et empoisonne. Le duel des frères ennemis, déjà illustré dans Winchester 73, trouve ici une nouvelle inflexion ; les deux cowboys portent chacun un passif criminel et devront déterminer, au moment des choix, si celui-ci détermine leur nature ou s’ils peuvent s’en affranchir.


Cette question centrale résonne bien entendu comme un écho, à l’échelle individuelle d’un héros, du destin de toute la nation américaine. Récit sur la colonisation de l’espace, Les affameurs fait un état des lieux déjà clairement désabusé : la rapacité de l’homme blanc a lessivé les terres et l’Eden est devenu Babylone. La rivière éponyme (Bend of the river, soit la courbure) joue le rôle d’une frontière naturelle nécessaire, à mettre entre soi et la cité pour pouvoir espérer retrouver une forme d’innocence et d’harmonie.


L’appât du gain, ironiquement représenté par la ressource « naturelle » qu’est l’or, rend l’homme insensé (à l’image de la démence collective qu’on peut voir dans La Colline des Potences de Delmer Daves), et métamorphose le monde en chiffres. C’est là que se joue tout l’enjeu du récit : la communauté attend un convoi de vivres, qui subit les aléas d’un monde devenu dépendant de la finance : les prix explosent, la spéculation l’emporte et lorsqu’on propose l’équivalent en dollars du précieux chargement, ses convoyeurs perdent le sens des réalités.


Ce n’est pas un hasard si les personnages de James Stewart et son evil twin, Athur Kennedy étaient des pillards : ils renvoient aux fondations même d’un pays qui ne progresse que sur cette dynamique.


Bien entendu, l’ascendant du héros et sa propension à la rédemption permettront un discours moral en mesure d’équilibrer le pessimisme général. Il n’en demeure pas moins qu’il fait figure d’exception, et que ce long trajet de trahisons, de convoitise et de vénalité jette un regard bien trouble sur la mythologie originelle d’une nation.

Sergent_Pepper
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le 17 déc. 2017

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Sergent_Pepper

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