« We’re gonna need a bigger boat » MARTIN BRODY

Peter Benchley est passionné depuis l’enfance de biologie marine, et plus précisément de requin. Cette passion le suit durant son adolescence et sa jeune vie d’adulte. C’est en 1971 à l’âge de 31 ans, quand il regarde le documentaire Bleue est la mer, Blanche est la mort et quand il lit Blue Meridian que sa passion pour les requins refait surface.

Il commence à écrire Les Dents de la Mer. Un grand requin blanc cause la panique dans une station balnéaire. Les autorités ne divulguent pas l’information, mais le requin reste et la population s’inquiète. Peter Benchley connaît très bien les requins, ayant côtoyé des pêcheurs, scientifiques, biologistes, tous les détails relatés dans son livre sont fondés sur des faits réels.

En 1974, à la veille de la publication de son livre, il s’attendait à un succès modeste. Mais son premier livre devient un best-sellers grâce au tournage et à la sortie du film éponyme qui était accompagné d’une remarquable campagne de promotion. Oui, parce que en 1973, les producteurs Richard D. Zanuck et David Brown achètent les droits du livre pour le compte de Universal.

Peter Benchley ne s’attendait pas à ce que son livre soit adapté au cinéma car, à l’époque, il était impossible de dompter un requin blanc. Et la technologie n’était pas assez avancée dans la création de maquette ou de requin mécanique. Benchley a eu la chance de rédigé les deux premières version du scénario. Malheureusement Zanuck et Brown ne voulaient pas d’intrigues romantiques ou autre référence à la mafia, ce qui pourrait distraire les spectateurs. Intrigues présentent dans le roman.

Peter Benchley quitte le projet.

Le scénario est alors écrit par Steven Spielberg, Howard Sackler et John Milius. Il sera peaufiner par Carl Gottlieb qui mettra l’accent sur les personnages pendant le tournage. Gottlieb fera une apparition dans le film en tant que adjoint du maire.

Parce qu’il faut le dire, le tournage a été catastrophique pour les acteurs, l’équipe de tournage et pour le jeune réalisateur Steven Spielberg (un seul long-métrage à son actif : Sugarland Express). Entre les tempêtes, les blessures, les difficultés à tourner en pleine mer, et l’inefficacité des requins mécaniques... Le tournage accumula des retards et le budget sera dépassé de dix millions de dollars. Universal voulait tout arrêter, c’est la monteuse expérimentée Verna Fields qui permit au projet de continuer.

Les Dents de la Mer sort en 1975. L’histoire est la même que celle du roman, un grand requin blanc nage sur les côtes de l’île d’Amity, une station balnéaire. Le chef de la police locale, Martin Brody, veut faire fermer les plages mais le conseil municipal s’y oppose. Les attaques de requin continuent. Brody le policier aquaphobe, Hooper l’océanographe et Quint le pêcheur partent à la recherche du requin tueur.

Outre la critique assez évidente du capitalisme dans la première partie, c’est la deuxième partie avec la partie de pêche des trois protagonistes qui est la plus intéressante. Surtout dans la lecture des personnages.

Chaque personnage est une individualité bien marqué dans la première partie. Roy Scheider incarne Martin Brody le policier aquaphobe. Il vient d’arriver sur l’île d’Amity avec sa famille. Il est intègre et veut protéger la population du requin. Scheider est parfait dans son interprétation, on s’attache très facilement à lui et on comprend la raison de sa peur. Richard Dreyfuss incarne Matt Hooper l’océanographe. Il est la raison, celui qui comprend vite, celui qui épaule le héros. Il a un peu moins d’importance dans le film que dans le roman. Pour finir Robert Shaw (la machine à tuer dans Bons baisers de Russie) incarne Bart Quint le chasseur de requin, bourru, solitaire et alcoolique. Il sera un peu trop dans son personnage (au niveau de l’alcoolisme) et il aura souvent des rixes avec Richard Dreyfuss sur le tournage. Son monologue totalement improvisé sur l’USS Indianapolis est bluffant.

Excellent chacun dans leur rôle, ils sont encore meilleurs lors de la partie de pêche en pleine mer lorsque les individualités deviennent un groupe. Le tournant c’est cette beuverie à bord du bateau lorsqu’ils vont chanter Show me the way to go home. Ensemble ils se confondent et ne font qu’un pour attraper le requin. La symbiose entre les trois personnages et parfaite et nous, spectateur, on a eu le temps de s’attacher à chacun d’eux avant l’acte finale. On va donc s’inquiéter du sort de chacun lorsque le requin fini par attaquer.

L’aventure de nos trois pêcheurs ressemble fortement à celle du capitaine Achab dans le roman Moby Dick. Ils s’acharnent à retrouver le requin comme le capitaine s’acharne à retrouver la baleine. Il y a une grosse ressemblance entre Quint et Achab. Déjà dans leur détermination, vous avez vu la maison de Quint avec toutes ces mâchoires de requins ? Son bateau s’appel le Orca (les orques sont les seuls prédateurs naturels des requins). Mais surtout dans leur mort. Ne vous inquiétez pas, pas de spoil, je parle de la mort dans le roman. Quint et Achab ont exactement la même mort. La comparaison est limpide.

L’auteur Peter Benchley obtiendra un petit rôle de journaliste.

Un autre personnage important, c’est le requin. Les requins mécaniques baptisés Bruce par l’ensemble de la production. C’est Robert A. Mattey qui s’occupe de la fabrication des requins mécaniques. C’est un artiste bien connu qu’on a déjà vu à l’œuvre dans Vingt milles lieues sous les mers pour la création du calamar géant. Sans rentrer dans les détails (parce que je n’y connais rien), les requins mécaniques ne marcheront pas dans l’eau. Il est quasi impossible de les utiliser... Coup dur. Cela forcera Steven Spielberg à faire de la suggestion lors de ses plans d’attaque de requin.

Les attaques sont souvent filmés d’un point de vue subjectif. Nous sommes dans la peau du requin, dans la peau du prédateur et on attaque les victimes.

Jusqu’au milieu du film, le requin n’apparaît pas une seule seconde à l’écran. Ce n’est qu’au bout de la cinquième victime qu’on commence à l’apercevoir, d’abord une silhouette, plus tard un aileron dépassant des flots, et enfin sa gueule béante et monstrueuse. Le défi va être de lui donner vie sans même le voir. C’est John Williams qui va relever le défi et avec succès. Il avait déjà travaillé avec Steven Spielberg sur Sugarland Express.

John Williams va développé une musique répétitive, obsessionnelle, faite de deux notes seulement. Ça sera le thème principal du film devenu célèbre, culte, même iconique. Le thème fait penser à des battements de cœur, celui du requin ou celui des victimes. Le son et le rythme monte crescendo jusqu’à ce qu’on soit, comme les victimes, paniquer. Le thème se coupe toujours brutalement et sans transition quand on quitte le requin. Jamais la musique nous trompe, le thème est joué seulement quand on est en présence du requin. Preuve en est, quand deux enfants créent une panique lorsqu'ils simulent la présence d'un requin, on n'entend pas le thème.

John Williams a reçu les Oscar de la meilleure musique et du meilleur son en 1976 pour son œuvre. Et c’est mérité parce qu’il n’y a pas que le thème principal qui vaut l’écoute. Toutes les musiques sur l’île d’Amity sont plaisantes, naïves, joyeuses. Un plaisir.

Verna Fields, dont je parlais plus haut, a reçu l’Oscar du meilleur montage en 1976. C’est bien mérité quand on sait que c’est elle qui a sauvé le film de l’annulation par Universal. Cela fait un total de trois Oscar pour Les Dents de la Mer si on ajoute ceux de John Williams. Bien mérité.

Succès critique et succès commercial. Malgré un budget rehaussé de dix millions de dollars (surtout a cause du requin) et arrivant à 12.000.000 $, Les Dents de la Mer rapporte à peu près 470.000.000 $. Énorme, il est le premier film à dépassé les cents millions de dollars de recette.

Rétrospectivement Les Dents de la Mer est considéré comme le premier blockbuster de l’histoire. Il est celui qui m’a ouvert la porte aux films de monstres, aux films de requins, aux films d’été. Tous ses fils illégitime seront plus mauvais, plus nanardesque, aucuns n’égalera le classique des films d’été.

StevenBen
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le 26 juil. 2022

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Steven Benard

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