“Internet. On ne sait pas ce qu'on y cherche mais on trouve tout ce qu'on ne cherche pas.”

Anne Roumanoff



La Famille c'est comme internet, le seul moment ou on se met pas sur la gueule c'est pour foutre le bordel



Un film qui parle d'Internet fait par la même boite qui a produit "Le Monde secret des Emojis" et qui plus est par une équipe de Scénaristes/Réalisateurs inexpérimentés... ok ok ça peut faire peur, je dirai même que n’importe quelle personne avec un peu de bon sens devrait au moins craindre le résultat. Mais ce serait hypocrite de ne pas dire que le film est appuyé par de grands noms de l’animation américaine (à qui on doit entre autre "Spiderman into the spiderverse" et "La Grande Aventure Lego"), alors on se laisse rêver d’un grand film d’animation à l’instar du spiderman de 2019, d’un moment de pur délire dépassant les simples messages niais pour enfants, d’une confirmation que oui, le cinéma en a encore dans le ventre et que la réouverture s’annonce grandiose. Et bien rassure toi petit cinéphile égaré, ton vœu a été exaucé.


Pour parler des Mitchell contre les machines il faut traiter de deux sujets centraux, à commencer par l’esprit geek. On rappellera rapidement qu’on est face à la même boite qui a produit le film émoji et qui est un parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire pour parler à une communauté de personne en allant chercher à exagérer et "rendre cool" mais d’une façon si méprisante qu’elle rend le spectateur immédiatement hermétique à toute nuance et critiques possibles tant bien même on peut redire des choses dessus.
Les Mitchell contre les machines ne suit absolument pas ce mouvement, d’une certaine façon il y va même à contre-sens. Même si l’exécution est totalement différente, je pense qu’il serait judicieux de comparer sa vision avec celle de Scott Pilgrim. Au lieu de nous amener dans un résonnement plus où moins construit concluant sur une réponse pour, contre ou nuancé, le film nous offre ici un regard sur cette pop culture, celui de Katie. De là libre au spectateur de prendre ce qui lui intéresse. On nous présente un monde de créativité et de liberté mais de l’autre un réseau qui s’uniformise autour du parfait avec en prime deux très bonnes blagues sur le monopole des grosses sociétés qui briment cette liberté total pour leur propre profits, sans avoir à rendre de compte à qui que ce soit. Pareillement, d’un coté on retrouve un monde connecté rassemblant des gens autour d’envie commune mais qui a pour conséquence de rendre les gens tellement seuls qu’ils perde le humain, au point de rejeter tous ceux qui ne vont pas dans leur sens, créant une certaine forme de communautarisme. Alors certes tout cela est traité avec une légèreté et un humour qui touche toujours juste (on reviendra plus tard sur l’humour) mais ils n’empêchent qu’ils sont bien là, poussant le spectateur à remettre en question ses idées qui en seront, peut importe son avis sur le sujet, grandies.
Mais bien plus que le sujet en lui même d’internet et de la pop culture en général, cette vision est aussi présente dans l’exécution du film. La force des Mitchell contre les machines est avant tout de baigner dans cette ambiance pop culture sans pour autant qu’ils dépassent le film ; On reste clair sur l’histoire, les personnages et les enjeux. Jamais une scène ne doit perdre en intensité à cause de blagues. En fait on pourrait même voir les choses comme ça, si l’esprit internet est aussi bien réussi c’est car il est là pour embellir, approfondir ou contextualiser une idée, sa plus grande force est finalement qu’on se joue de ses codes (même, amateurisme...) sans les discréditer ni les ériger en vertus. C’est là car l’histoire est racontée par une ado de 18 ans, c’est là mais ça n’impacte pas le réel sujet du film : la famille.


Le sujet de la famille est beaucoup plus orienté que celui de la pop culture, mais ça ne veut pas dire qu’il n’est pas nuancé. Si sur le papier on est comme dans la plupart des films pour enfants avec une invitation au désir individuel qui passe par la priorité d’être nous même et d’avant tout penser en nos rêves, dans les faits on voit que cette idéologie est balayée par le principe de famille où ce genre de comportement pose plus de problème qu’autre chose. L’ode à l’épanouissement n’est finalement qu’un rêve illusoire porté par Katie au début du film. La plupart des scènes drôles du film viennent d’ailleurs de cette idée d’une famille segmentée qui doit sortir de sa zone de confort pour redevenir unie, que ce soit Katie avec son père, son père avec la technologie, sa mère avec le rejet du profil de perfection et son frère et son ouverture aux autres. L’idée de faire des concessions pour vivre ensemble ne gênent finalement que les robots qui dans leur projet d’isolation mondiale...ou pas. Car si dans leur raisons même d’être les robots sont la Némésis des Michell, il y a bien 3 robots qui changent la donne. Tout d’abord nos deux compères qui se verront petit à petit intégrés à la famille au point de délaisser leur objectivisation, ils perdront certes en intelligence et en efficacité mais gagneront une communauté réfléchie et efficace (bon pour les 3 derniers termes ça se discute), ce qui leur permettra de se sauver de la fin des robots. Et pour finir la méchante qui se moque du principe de famille mais qui en réalité agit uniquement par vengeance affective suite à l’abandon d’un être cher. Elle va même poser la question de l'importance de la famille tout en se moquant des réponses apportées alors que c'est elle qui souffre le plus de la destruction de son cercle familiale. L’idée finale du film c’est qu’il faut chercher à être nous même (Katie part en fac de ciné) sans pour autant blesser ce qu’on aime, ce qui va dans le contre sens d’un individualisme salvateur et sans défauts promue sans arrêts dans les productions actuelles, on a enfin ici une limite entre rêver et aimer.



Des idées pas comme les autres que proposent là les Mitchell contre les machines. Remarque venant d’une famille comme toutes les autres si spéciale, on pourrait presque dire que la boucle est bouclée


Lordlyonor

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