⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.

Les Temps modernes par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Charlot est un ouvrier zélé. Il effectue un travail à la chaîne dans une grande entreprise. La production et le chiffre d'affaire étant bien entendu les principales préoccupations de la direction, celle-ci ordonne une augmentation des cadences.
Avec ce rythme effréné, le petit ouvrier ne peut tenir une cadence aussi soutenue. Les conséquences deviennent de plus en plus alarmantes pour lui. Travaillant à la chaîne, il tombe sur le tapis roulant avant de se faire engloutir dans les rouages d'une énorme machine. Après cette mésaventure et usé par les tâches répétitives, il devient fou et agité, se mettant notamment à danser et à courir avec une clé afin de serrer tout ce qui peut lui faire penser aux boulons qui défilent de plus en plus vite sous ses yeux.
Ce dérapage le mène tout droit à l'hôpital psychiatrique où il sera interné. A sa sortie, notre ouvrier se retrouve au chômage. A la suite d'une confusion lors d'une manifestation de grévistes, il se fait arrêter par la police et emmener sans ménagement en prison où, par coïncidence, il va mettre fin à une émeute. Il hérite en prime d'une cellule plus confortable.
Libéré, Charlot se fait volontairement arrêter afin de retourner en prison. Lors du trajet, il rencontre "La Gamine", mineure et orpheline. Tous deux arrivent à s'enfuir, bien décidés à faire route commune. Malheureusement leur chemin sera parsemé d'embûches, les lois du pays n'étant pas du côté des pauvres...


L'affiche de cette œuvre porte un sous-titre fort révélateur de l'espérance de toute la classe laborieuse de cette époque de grande récession économique qui secoua l'Amérique : "L'humanité à la recherche du bonheur". Mais où est il donc et quand va t-il pointer son nez ce bonheur auquel tant de personnes aspiraient ? En fait celui-ci n'est qu'une utopie pour notre petit ouvrier qui n'a de privilège, comme tant d'autres, que celui de travailler sans compter jusqu'à l'usure, sous les ordres "d'hommes de main" à la solde des tous puissants patrons agissant sans foi ni loi, profitant de la haute bienveillance de dirigeants de l'Etat dont les pensées sont bien loin des réformes sociales. Comme ses compagnons d'infortunes, notre petit ouvrier au chapeau melon est muselé, robotisé à l'image des machines qui l'entourent et qui l'obligent à tenir des cadences infernales dans son activité professionnelle.
Le droit d'expression est inexistant et seule la ruse peut venir combler ce fossé. Cette société crée des ravages parmi ceux qui sont restés du mauvais côté du mur et qui sont malheureusement les plus nombreux. Ceux-là, avides de trouver un travail pour quelques sous, sont corvéables et exploitables à souhait. Un monde rempli de cruauté et de méchanceté se dresse devant eux.
Le petit ouvrier ne tient plus, il explose, il se rebiffe, il agite le drapeau rouge, celui de la révolte de ceux qui veulent crier leur désespoir et leurs espoirs. Le seul interlocuteur reste dans ce cas la police et le seul asile, la prison et là où la situation devient terrifiante, c'est, qu'ayant purgé sa peine, notre homme fait son possible pour ne pas retourner à la rue.
Ce pauvre bougre va faire la connaissance de "La Gamine" qui elle aussi se prépare à une vie d'errance et de souffrance. Un petit rayon de soleil va venir réchauffer le cœur de ces deux tourtereaux d'infortune, à deux on se sent moins seul et naturellement plus fort !

Malheureusement le mauvais œil d'une bureaucratie tatillonne, aiguillonnée par des lois inhumaines, va entraver cet espoir de paix que convoitait ardemment ce petit couple qui renaissait à la vie. Il faudra bien des soucis et des larmes avant qu'un timide sourire vienne illuminer le sourire de "La Gamine"...


Cette œuvre merveilleuse datant de 1936 est la dernière réalisée par Charlie Chaplin avant la guerre. Bien entendu il est impossible d'oublier les scènes mythiques décrivant de façon comique et parfois loufoque les tracas d'un modeste ouvrier aux prises avec une société et un système économique qui s'ingénient à le détruire.

En fait, comme toujours, le sujet de ce film est grave et prémonitoire, il annonce en fait les effets dévastateurs d'une Amérique aveugle face à la misère, obnubilée par ses chasses aux sorcières et au communisme en particulier.
De plus le problème de la rentabilité, génératrice de stress et d'accidents, est superbement évoqué. Tout est mis en œuvre pour exploiter l'homme sinon à le remplacer par la machine. La déshumanisation a commencé sa marche inéluctable. Bien sûr on sourit devant les multiples facettes du personnage que nous interprète magistralement Charlie Chaplin, mais parfois on reste ému par les déboires et les injustices qui jalonnent sa pauvre existence. Paulette Goddard nous touche au plus profond de nous-mêmes dans le rôle de cette gamine sur laquelle s'abattent avec un acharnement certain toutes les affres de cette société qui la dévore comme une proie malade.
Comme toujours Charlie Chaplin, compositeur de la merveilleuse musique de ce formidable film, se tire de ces situations dramatiques par des pirouettes ingénieuses dont il a le secret.


Une fois encore, il est difficile de ne pas succomber à la "magie" de Charlot. Il est difficile de ne pas se laisser envahir par son humour ravageur et son sens de la dérision. On ne peut que succomber à l'émotion que dégage cette œuvre aussi réaliste que visionnaire qui nous fait verser des larmes de rire et de tristesse face au constat d'un monde en fusion dans lequel l'homme devient l'esclave de la machine, creusant ainsi un fossé inéluctable entre les riches et les pauvres. A n'en pas douter, ce film de Charlie Chaplin est un joyau à ranger dans l'écrin bien rempli des "Grands Classiques du "Septième Art".


Extrait du film :
http://www.youtube.com/watch?v=ewNLCkA0oBk

Créée

le 21 août 2014

Modifiée

le 13 avr. 2013

Critique lue 3.8K fois

78 j'aime

35 commentaires

Critique lue 3.8K fois

78
35

D'autres avis sur Les Temps modernes

Les Temps modernes
Grard-Rocher
9

Critique de Les Temps modernes par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Charlot est un ouvrier zélé. Il effectue un travail à la chaîne dans une grande entreprise. La production et le chiffre d'affaire étant bien entendu les principales préoccupations de la direction,...

78 j'aime

35

Les Temps modernes
Dimitricycle
10

La mode et Paulette

Les temps modernes est un film d'une excellence ahurissante. Je veux dire, c'est com-plète-ment dingue ! (On le sait bien, mais c'est toujours édifiant de constater que :) Pas besoin de quantité de...

le 13 déc. 2010

71 j'aime

21

Les Temps modernes
Ugly
8

Le taylorisme et ses méfaits

Je n'ai jamais eu une admiration complète pour Chaplin avec son mélange de burlesque et d'émotion qui souvent vire au larmoyant, j'ai toujours préféré l'humour décapant et imperturbable de Buster...

Par

le 14 nov. 2017

44 j'aime

17

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

178 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

171 j'aime

37

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

158 j'aime

47