Ὁ χρόνος διδάσκει τοὺς ἀνθρώπους

Il n'est pas aisé d'aborder ce film. Assurément il a tout pour taper sur le système et promettre de passer un long moment pénible devant son écran. Tout aussi assurément cette oeuvre peut nous transporter de plaisir à travers un voyage terrible, si éloigné de la frénésie de nos vies "modernes".


Choisir une note ne fut pas aisé. S'il avait tout le potentiel du chef d'oeuvre, de la claque esthétique et philosophique, Michael Kohlhaas n'en reste pas moins inachevé et profondément imparfait. Arnaud des Pallières semble avoir voulu nous plonger dans une époque lointaine, révolue, un peu à l'instar du travail d'Annaud dans le Nom de la Rose. Si l'ensemble est plus cohérent que la majorité des films traitant de l'époque médiévalo-moderne - il suffit de regarder comment un Besson ou Scott traitent de ces périodes, si les Cévennes sont incroyables de sauvagerie, si les Guerres de Religion sont là - l'intervention de Denis Lavant est magistrale - , prégnantes à défaut d'être jamais réellement abordées, si les liens d'hommage, de hiérarchie sclérosante sont bien là, des Pallières multiplie les lourdeurs. Certaines séquences sont quasiment illisibles, à l'instar de la vendetta initiale dans un château bien froid. Le rythme souffre, l'ennui guette, l'écriture ne convainc pas toujours, le travail de montage laisse perplexe. Même les décors, splendides, semblent parfois étriqués et écrasés. N'est pas Lean qui veut, bien entendu, mais tout de même, Lawrence d'Arabie magnifiait le désert là où cette oeuvre laisse entrevoir une beauté incroyable sans jamais véritablement être capable de nous la faire éclater en plein visage.


Pourtant, ça fonctionne. Pourtant, je ne peux pas être aigri ou même véritablement déçu par cette expérience. L'imperfection fondamentale de ce film trouve écho dans le français imparfait du pilier quasi unique, de la clé de voûte de cette cathédrale inachevée, à savoir Mads Mikkelsen. Par tous les dieux, que cet acteur est immense. Un regard, un souffle, une caresse suffisent à remplir l'espace. Dingue de charisme, je l'ai retrouvé là où Nicolas Winding Refn l'avait laissé dans Valhalla Rising. Une performance incroyable pour un acteur clé de ce début du XXIè. Oui, j'ai décidé de faire dans le pompeux.


Portés par le génial danois donc et le talent inabouti de des Pallières, nous voici aux côté d'un homme enfermé dans ses logiques. Un héros qui, pour deux chevaux et l'honneur est capable de la plus terrible des vendetta. Un homme qui cherche dieu mais, plus encore, une certaine justice. Un enfoiré qui ne pense qu'à lui, laissant sa fille aux bons soins de la providence. Un héros anachronique, obtus, impitoyable, froid, amoureux, fin, humain, salaud, ouvert, cultivé, primitif, révolutionnaire, dévot, capitaliste, matérialiste, spirituel, égoïste. Le tout dans un temps qui s'est arrêté. Ce XVIè est lent car il doit l'être. Point d'internet ou de portable, point d'interrupteur mais des bougies, du vent, de la brume. Point de voiture mais des pieds et des chevaux. Point de planète à traverser en 24h, mais un espace étriqué où la ville fait figure de bout du monde, où la campagne est un univers sauvage. Un monde qui fut, avec ses codes, ses rites, ses logiques si différentes des nôtres.


Voilà pourquoi ce film qui peut rebuter a tout pour fasciner. Encore faut-il fait l'effort de quitter nos habitudes et pardonner les défauts de ce qui aurait pu être un chef d'oeuvre.


Le temps instruit les hommes

Aqualudo

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