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Pourquoi "On connaît la chanson" est ma comédie préférée !

A chaque fois que je montre à quelqu'un "On connait la chanson" après lui avoir dit "c'est mon film préféré" la personne me regarde en disant "mais il n'a rien d'exceptionnel ce film..." En effet, ceci n'est pas une comédie hilarante où vous allez vous pisser de rire à tout bout de champs, pas de scènes d'action, pas d'effets à couper le souffle et en plus c'est un FILM-FRANCAIS-qui-se-passe-à Paris-dans-un-milieu bourgeois. (Horreur !)


Alors pourquoi à chaque visionnage, je me dis en le revoyant "c'est vraiment mon film préféré" ! Voici quelques raisons.



Un scénario impeccablement écrit :



Donc, dans On connaît la chanson nous avons 6 personnages, ils se croisent, ils discutent (certains se draguent même) chacun à son histoire et son évolution propre au fil du film jusqu'au final et au bout d'une heure et demi de film, cela forme un tout cohérent et ce sans qu'aucun des acteurs n'est vraiment bouffé l'autre ou que le scénario se perde dans du hors sujet. Et rien que ça, je trouve ça balaise.


Il y a chez Jean Pierre Bacri et Agnes Jaoui un sens de l'écriture où rien n'est en trop et tout est parfaitement justifié y compris les petites remarques qui sembleraient anodines. Ce qui fait qu'à chaque visionnage je remarque un détail que je n'avais pas vu (cette fois-ci, la trace que le personnage d'Arditti a sur la joue au restaurant) avec en prime un sens du dialogue bien ciselé fonctionnant sur la pique ironique et le montage entre deux dialogues qui se répondent.


On connait la chanson brasse tout un tas de thématique allant aussi bien du logement à Paris, des monuments, des thèses aux noms impossibles, de l'hypocondrie, mais surtout du paraître (un thème récurrent dans l'oeuvre de Jaoui/Bacri.) Car si une partie des situations comiques viennent de "quiproquos" ceux-ci ne sont pas lourds, la psychologie des personnages étant bien dépeinte. On comprend bien qu'ils refusent de clarifier une situation parce qu'ils veulent paraître ce qu'ils ne sont pas (Simon préfère dire qu'il est auteur plutôt qu'agent immobilier, Marc Duverrier laisse croire à sa copine qu'il sort d'une relation difficile, etc...) Ce qui est à l'image du noeud final du film...


un immeuble qui parait être une occasion et offrir une vue superbe sur Paris, mais qui est au centre d'un projet immobilier avec un vis-à-vis qui bouchera toute la lumière.


En outre la plupart des personnages font croire que tout va bien et qu'ils maîtrisent tout alors qu'au fond....


ils nagent en pleine dépression. C'est d'ailleurs l'une des rares comédie à aborder ce problème sans rendre ça lourd ou dramatique. C'est plus "touchant" qu'autre chose.


Bref, le scénario est tellement riche que je pourrais passer un temps dingue à l'analyser et à toujours trouver des parallèles et des renvois. Sans parler qu'il est une bonne illustration de ce qu'est un climax de film


Après une heure à se croiser, s'esquiver ou se tourner autour, tous les personnages se retrouvent à la même soirée dans le fameux appartement dont l'achat était une sous-intrigue de la première heure du film. Et donc, laisser exploser leurs sentiments.


Mais en plus....



Alain Resnais offre une réalisation ludique.



Oui, LUDIQUE. Parce que lorsqu'on pense Alain Resnais on pense à "Hiroshima Mon Amour" (que je trouve pesant et prétentieux) ou à des mises en scène un peu austère à la Smoking / No Smoking.


Or, du haut de ses 76 ans à l'époque du film, on sent qu'Alain Resnais s'éclate comme un petit fou sur la réalisation, filmant certaines scènes comme des petits sketchs : le parallèle entre les deux couples au restaurant, le champs contre champs avec le médecin de Jean Pierre Bacri dont le bureau s'éloigne plus à chaque plan, l'utilisation de la caméra tournoyante pour illustrer les deux amoureux qui se tournent autour etc...


Resnais s'adapte aussi au scénario, multipliant lui aussi les effets de montages et permettant un effet de dialogues qui se répondent entre eux parfois de façon assez subtile.



La fin du film est bien préparée :



Une chose qui m'a marqué au dernier visionnage, c'est à quel point, Resnais, Bacri et Jaoui plantent bien la "révélation" de fin de film. Même si celle-ci n'a rien de si "exceptionnelle", ils arrivent surtout à nous instiller des indices qui vont nous mettre inconsciemment du côté du personnage de Sabine Azema à la fin du film....


En effet, on peut se dire que le fait d'avoir un vis-à-vis n'est pas quelque chose de dramatique : beaucoup de gens vivent avec et que le couple Lalande pourrait se consoler par le fait d'avoir un gigantesque appartement en plein coeur de Paris. Sauf que :
- Les visites de Camille à travers les différents monuments de la capitale nous rappelle qu'on est dans une ville dont le patrimoine culturel est un joyaux.
- Marc Duverrier insiste lors de sa visite sur la lumière qui est "l'un des plus grand atout de cet appartement" et celle-ci offre un superbe coucher de soleil romantique.
- Le fait que le personnage de Jean Pierre Bacri se fasse mal au cou en tentant de voir le Sacré Coeur depuis un balcon nous rappelle que la "vue" à Paris n'est pas garantie et est souvent bouché par des immeubles.
- Quelque scène plus loin il a rendez-vous chez un médecin, une femme acariâtre dont l'agressivité est souligné par les bruits de travaux et de marteau piqueur venant de la rue. Ce qui nous remet inconsciemment à l'idée que le bruit des chantiers est pénible.


On peut ajouter à cela, évidemment la remarque de Marc sur la "bonne affaire" que constitue l'achat cet appartement contrasté avec la pique de Simon sur "vous devez être content de l'avoir vendu celui-là" ou les invités qui passent leur temps à deviner par la fenêtre quels monuments ils distinguent. Lorsque la révélation arrive, il suffit de faire un plan sur un immeuble avec trois bruits de marteaux-piqueurs derrière pour comprendre POURQUOI celle-ci est choquée par la révélation.


Sans oublier l'indice que constitue le chapeau qu'Odile et Camille essayent dans un magasin et qui ressemble... à un casque de chantier.


Voilà, c'est ce que j'appelle un "plot twist de fin de film bien écrit" qui même s'il ne casse pas des briques, fonctionne, contrairement au nombre ahurissant de twist "mal écrit", mal planté, prévisible ou arrivant de nulle part.



Et il y a les passages chantés



Le film fut vendu à l'époque principalement là dessus (il doit son titre et la bande annonce jouait sur des paroles de chansons déclamées par les comédiens) et pas mal de gens s'attendent parfois à voir une comédie musicale. Alors qu'effectivement, on a le droit à juste du playback des acteurs reprenant quelques lignes (souvent le refrain) d'un air au détour d'une discussion où d'une pensée. Et à contre courant d'une comédie musicale, qui va proposer des refrains modernes ou remis au goût du jour, il y a une profusion d'air d'opérettes des années 30 avec le bruit des grésillements du vinyle derrière.


Mais ça fait partie du charme de ce film qui part du principe bien connu de la chanson en tête dont les paroles colle "exactement" à ce qu'on est en train de vivre. Alors, certes, le procédé n'est pas parfait et je trouve le passage de "ça, c'est vraiment toi" ultra-téléphoné (sans jeu de mots...) mais il approfondi l'approche un peu "ludique" du film tout en affinant le portrait psychologique des personnages.


Et mine de rien, moi qui trouvait les dialogues n'avaient rien "en trop" un peu plus haut, c'est sans doute à cause de cet artifice. Ca reste quand même bien pratique pour supprimer les dialogues "prétexte" ou les envies de monologues psychologisant qui peuvent alourdir un film.



Conclusion :



Un bon scénario, VRAIMENT bien écrit, avec un sous-texte intéressant, des bons dialogues, servit par de bons acteurs (j'ai oublié de le mentionner) et une bonne mise en scène qui évite tout sauf d'être "plan-plan."


Et le fait que malgré son côté "tout n'est pas rose" je sorte profondément joyeux après chaque visionnage de ce film.


Mon film préféré !

le-mad-dog
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le 14 janv. 2016

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Mad Dog

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