Rappelant par endroits Mystic River, Prisoners est un drame dépressif, avec sa dose de suspense. On y suit le désarroi des quatre parents de deux fillettes disparues. Alors qu'ils oscillent entre foi et déni de la situation, désespoir et instinct de vengeance, l'enquête avance laborieusement. Pourtant, l'intuition et l'évidence semblent désigner un coupable. Par conséquent, un père de famille excédé et son entourage (le père de l'autre fillette, sa femme) retiennent un présumé coupable, un pédophile à l'intelligence d'un enfant de dix ans, demeurant mutique malgré la pression et le tabassage.
Option réaliste, emphatique, amenant à partager les doutes, exigeant la réaction ou l'attentisme, le choix ou la passivité. Des individus en besoin de clarté, de réponses et de ré-assurance, piégés dans une situation d'attente, empêtrés dans une affaire où ils ont tous à perdre le plus précieux (leur enfant – la mère d'un criminel, le père d'une innocente), en acceptant des blessures qui ne cicatriseront jamais.
Quelque chose est profondément décevant dans ce spectacle de deux heures et demi. Ce n'est pas au rayon thriller qu'il se trouve ; l'ensemble est sombre, raisonnablement tendu, avec son quota de mystères, de fausses pistes. En revanche, pourquoi le film n'assume pas les points de vue qu'il légitime (''la fin justifie les moyens'', fatalité pénible mais logique et nécessaire ; la sanction pour les monstres, si faibles ou malheureux soient-ils), pourquoi n'accepte-t-il pas de confronter avec la violence et ses implications définitives ? C'est la rançon du refus de la tragédie au profit du réalisme sinistre, avec sa pureté présumée. Un choix honnête, mais qui ne suffit pas à l'emporter : la méditation à distance (et le symbolisme conventionnel) suscite plus d'effets (le spectateur peut donner au film les variations qu'il souhaite) qu'elle ne pénètre l'intimité et la vérité des personnages.
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