Le cinéaste canadien Denis Villeneuve s'expatrie à Hollywood, se retrouvant aux commandes d'un thriller qui ne semblait pas forcément sortir du lot au premier abord, avec son sujet classique et son casting bankable. Pourtant, le metteur en scène de "Incendies" parvient miraculeusement à tirer son épingle du jeu, tout en restant dans un cinéma grand public.

Rappelant énormément l'univers du bostonnien Dennis Lehane (on pense forcément à "Mystic River" ou "Gone baby gone") dans sa description d'une Amérique moyenne cachant de sérieux cadavres dans les placards, ainsi que des polars comme "Memories of murder" ou "The pledge" (ce qui ne joue pas toujours en sa faveur) quand il s'attarde sur une enquête qui patauge dans la semoule, "Prisoners" transcende heureusement son intrigue rabâchée par un traitement exemplaire, à la fois carré dans sa mise en scène et ouvert au débat dans son propos.

S'il charge inutilement la mule (le chasseur violent et croyant d'un côté, le végétarien plus docile de l'autre) et souffre de ficelles parfois énormes (un gros carton rouge d'ailleurs pour le marketing qui met bien en évidence un élément clé de l'intrigue), "Prisoners" échappe au manichéisme de rigueur à Hollywood, examinant un à un chaque élément du problème, se mettant du côté de chaque individu, tentant de comprendre les motivations de chacun. Si on se sentira forcément touché et impliqué dans le drame que vivent ces parents, on ressent également la frustration d'un flic tâchant de donner le meilleur de lui-même et de ne négliger aucune piste, tout comme un mélange de rage et de malaise face aux dilemmes qui assaillent les protagonistes, Denis Villeneuve et son scénariste prenant le parti de laisser le choix au spectateur de se faire sa propre opinion sur les actes commis sous ses yeux.

Ancrant son film dans une atmosphère de conte absolument magnifique, Denis Villeneuve apporte une véritable touche visuelle à cette simple commande, soignant sa mise en scène et sa photographie, soutenu par un casting exemplaire. S'ils sont tous parfaits, sortent du lot Jake Gyllenhall, traduisant la frustration de son personnage avec une belle retenue, et surtout Hugh Jackman, impressionnant et habité dans un rôle complexe et ambigu.

Sans être la claque annoncée, la faute à une intrigue sans grande surprise et à un final bancal, "Prisoners" domine cependant le genre avec une bonne tête d'avance, grâce à une tenue visuelle somptueuse, à des comédiens impliqués et par un refus de voir les choses en blanc ou en noir.
Gand-Alf
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le 10 oct. 2013

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