Le serpent et le péché originel
A la fête de Thanksgiving, deux fillettes sont kidnappées. Un suspect, qui a été aperçu sur les lieux avec son camping-car, est arrêté mais, faute de preuves, il est relâché, à la grande colère du père d'une des victimes, Keller Dover (Hugh Jackman) qui, exaspéré des lenteurs de la police, décide de se charger lui-même des choses. En parallèle, un policier, Loki (Jake Gyllenhaal), continue l'enquête en suivant plusieurs pistes.
Prisoners est un thriller. En tant que tel, il ne présente aucune véritable originalité. Il ne faut pas s'attendre à un film renversant. Par contre, Prisoners est un film solide, rondement mené, avec son lot de suspense, de violence et de manipulation.
La principale réussite du film, c'est de parvenir à faire tenir son spectateur en haleine pendant 2h30, sans que la tension ne se relâche un seul instant. ça relève déjà de l'exploit. La construction du film prend une grande part dans cette réussite. Le film est bâti sur une alternance de scènes : on suit Keller qui s'enfonce dans la violence, puis on suit l'enquête de Loki, puis on reprend Keller, etc.
Le suspense tient aussi au fait que (personnellement, du moins), je n'arrivais pas à voir où l'enquête allait aboutir. L'investigation de Loki (qui constitue ce que je préfère dans ce film) s'enfonce dans les méandres d'une situation compliquée, le cinéaste distille les informations au compte-gouttes avec une précision diabolique et rudement bien réfléchie. Chaque nouvel indice arrive juste au bon moment : plus tôt, ç'aurait été trop précipité, plus tard et l'action se serait enlisée. De plus, chaque avancée dans l'enquête apporte plus de questions que de réponses, ce qui permet de relancer l'intrigue et d'accrocher un peu plus le spectateur.
Le rythme est lent, le film est long pour un thriller (2h30), mais jamais on ne s'y ennuie. Ce qui relève de l'exploit, puisqu'en fin de compte, le film ne présente rien de vraiment original. Mais le cinéaste insiste vraiment sur l'ambiance glauque, l'atmosphère sombre, angoissante. Le film ressemble à un long cauchemar, impression encore augmentée par l'aspect visuel : tout est gris, terne, et la pluie qui tombe constamment sur le paysage implante une ambiance quasi-apocalyptique. Et les multiples références religieuses, l'atmosphère de violence renvoient encore plus à une notion de malédiction divine. Ce n'est pas aussi appuyé que dans Seven, mais ça en prend la subtile direction.
Les références religieuses se poursuivent tout au long de l'enquête : le film commence par une prière, on retrouve des serpents, et je ne dirais pas tout de peur d'en trop dévoiler.
Les acteurs sont tous absolument impeccables, en particulier Jake Gyllenhaal, que j'ai vraiment apprécié dans ce film. Tous semblent arborer un masque, non pour en limiter les expressions, mais pour paraître presque morts déjà (un peu comme Piccoli dans Max et les ferrailleurs).
Le résultat se laisse voir avec intérêt et constitue un bon film, parfois dur, glauque, mais bien foutu.