Pulsion
Pulsion

Film de Ovidie ()

Emmanuelle et les derniers paraphiles

C'est dans la petite salle quasi comble de l'An Vert, à Liège, qu'était projeté, le 14 octobre, Pulsion, une comédie pornographique dans un esprit très seventies. La réalisatrice, Ovidie, qui est venue présenter son film dans le cadre du festival « Contre/Bandes », a bel et bien réussi à la fois à nous faire rire et à nous émoustiller...


Après une carrière relativement courte en tant qu'actrice dans des films produits par Marc Dorcel, Ovidie passe très rapidement (à l'âge de dix-neuf ans !) à la réalisation de films pornographiques destinés à un public féminin. Plus précisément, des films tels que Orgie en noir (2000), son tout premier, s'inscrivant dans le courant dit « porno féministe ». Voici ce que nous en dit Ovidie : « La pornographie féministe, en tant que contenu, est très difficile à déterminer parce qu'il n'y en a pas que d’un seul type, parce qu'il y a autant de pornographies que de sexualités.[...] En revanche, c'est un mouvement – artistique et politique – qui est né dans les années 1980 aux États-Unis avec des pionnières comme Annie Sprinkle et Candida Royale. Ce n'est pas quelque chose de complètement abstrait non plus. Ces femmes sont parties du principe que, en tant que féministes, il valait mieux ne pas interdire la pornographie. Il valait mieux, au contraire, construire notre propre pornographie. » Parmi ses films, Histoire de sexe(s) (2009) comporte son lot de passages d'accouplements non simulés, mais parfaitement intégrés au récit. On peut dire que les scènes de cul sont au service du film et pas l'inverse ! Il est enfin possible de s'identifier à de vrais personnages développés et non pas contempler sur un écran une éternelle gymnastique de bidoche, « spectacle » qu'offre trop souvent le porno mainstream.
Quant à Pulsion, l’artiste indique qu’il s'agit « d'un film un peu à part. Ce n'est pas un film aussi militant que Liberté Sexuelle [autre film d'Ovidie, sorti en 2012, ndlr]. [...] C'est un film assez léger, qui est parti d'une vaste blague. Un article qui avait été publié dans Le Figaro [...] sur une femme qui avait jusqu'à deux cents orgasmes par jour – ou par semaine, je ne me rappelle plus... » Cette maladie, appelée S.E.G.P. (syndrome d'excitation génitale persistante), est le calvaire quotidien de Éva, la principale protagoniste de Pulsion. Sans aucune sollicitation sexuelle, Eva se met à avoir des orgasmes, quel que soit le moment de la journée. Bien évidemment, cela crée de nombreuses situations problématiques et cocasses, surtout lorsque, au travail, son patron se demande pourquoi elle s'interrompt sans cesse pour aller aux toilettes. Ne supportant plus cette situation, elle rencontre un étrange psychiatre (incarné par l'hilarant Christophe Bier) qui lui propose une thérapie de groupe. Celle-ci s'avère d'un style, disons... quelque peu particulier. Tous les participants ont une particularité relative à leur sexualité : un gars aime se masturber sous les aisselles d'une femme, une nana ne peut jouir que dans des situations à risques, un troisième larron ne prend du plaisir que lorsque sa compagne couche avec un autre homme, etc. Toute cette faune de personnages hauts en couleur va interagir au cours d'une soi-disant thérapie qui finit par échapper complètement à celui qui l'a initiée. La force de la réalisatrice est de traiter le sujet des pathologies et des paraphilies en nous faisant rire, certes, mais sans jamais juger aucun de ses protagonistes. Par ailleurs, plusieurs scènes de sexe ont un potentiel puissamment érotique du fait des enjeux scénaristiques, de la photographie soignée, de l'éclairage savamment dosé et des nuances de jeu des acteurs. Un film qui nous transporte d'une émotion positive à l'autre, loin de la sphère du porno « popcorn ».


(cette critique est parue dans le bimestriel satirique liégeois "Le Poiscaille" en novembre-décembre 2014 :
www.lepoiscaille.be )


EDIT :


En bonus de cette critique, je publie ici, bien tardivement, une interview réalisée en 2014 dans le cadre de l'ancien magazine "Le Poiscaille". Il s'agit d'une interview d'Ovidie, réalisatrice de films pornos féministes, portant sur la pornographie féministe en général ainsi que sur ses films et sa carrière. Cet entretien n'avait jamais été publié dans son intégralité. Seuls quelques passages avaient été repris et publiés dans ma critique de son film "Pulsion". (Ce film avait été à l'époque diffusé à l'An Vert, à Liège).
Un grand merci à Hélène Molinari pour les corrections orthographiques, de style, etc.


Julien Cescotto : Qu'est-ce qui définit la pornographie féministe et quels sont ses enjeux ?
-Ovidie : La pornographie féministe, en tant que contenu, est très difficile à déterminer parce qu'il n'y a pas une pornographie féministe, parce qu'il y a autant de pornographies que de sexualités. Donc, c'est difficile de la définir par son contenu. En revanche, c'est un mouvement qui n’est pas complètement abstrait non plus. Il s'agit d'un mouvement artistique – et politique – né dans les années 1980 aux États-Unis avec des pionnières comme Annie Sprinkle et Candida Royale. Elles sont parties du principe que, en tant que féministes, il ne valait mieux pas interdire la pornographie. Il valait mieux, au contraire, construire notre propre pornographie. C'est-à-dire de reprendre et de déconstruire tous les stéréotypes masculins que l'on peut combattre dans la pornographie mainstream. C’est l’idée que les femmes – transgenres ou cisgenres, peu importe – puissent être capables de créer leur propre pornographie. Une deuxième vague de pornographie féministe date de la fin des années 1990, début 2000. C'est à partir de ce moment-là que je suis arrivée. C'est aussi à partir de ce moment-là qu'au Danemark est apparu Puzzy Power – qui est devenu Innocent Pictures ensuite.
Julien Cescotto : Des films produits par Lars Von Trier, si je me souviens bien ?
-Ovidie : Exactement. Eux, ils ont commencé en 1997, avec cette idée de casser un peu tous ces clichés.
Julien Cescotto : Avec des films comme Pink Prison ou HotMen CoolBoyz ?
-Ovidie : En fait, le premier film de Puzzy Power, c'était Constance, puis sont venus Pink Prison et le film gay HotMen CoolBoyz, et enfin All About Anna, qui a été le dernier, en 2003 et auquel j'ai participé. Ça a été le dernier film produit par Zentropa [dont Puzzy Power fait partie, ndlr]. À peu près à la même période est apparue Erika Lust. Elle habitait en Suède et est venue à Barcelone pour y créer ses propres films. Et cette vague de femmes hétéros, il y en a eu une nouvelle, qu'on voit à l'heure actuelle. Par exemple, des nanas que j'ai rencontrées à Toronto, où ont lieu chaque année les Feminist Porn Awards. Je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment de nouvelles artistes dans ce domaine-là. On arrive à quelque chose de beaucoup plus varié et d'encore plus politisé que ça ne l'était avant, c'est-à-dire une scène porno queer bien plus développée qu'avant. On sort vraiment de la pornographie hétérosexuelle. Ces dernières années, il y a également eu Courtney Trouble qui fait partie de Lesbian Curves. Elle œuvre pour le développement d'une pornographie avec des femmes fortes, voire très fortes, en surpoids.
Julien Cescotto : Et y a-t-il des règles particulières, des critères précis dans le cadre des Feminist Porn Awards, pour ce qui définit une pornographie féministe ?
-Ovidie : Il existe des critères précis pour être sélectionné aux Feminist Porn Awards, qui définissent finalement assez bien la pornographie féministe. Il faut des femmes – qu'elles soient transgenres ou cisgenres – impliquées dans l'écriture, la réalisation et la production. Mais ce n'est pas tout, car il existe de nombreux films dans le porno mainstream signés par des nanas et qui sont des gonzos basiques sans rien de novateur. Le deuxième critère est cette volonté de casser les codes habituels du porno mainstream masculin, essayer de présenter une sexualité moins stéréotypée. Et qu'il y ait une recherche artistique, que ça soit au niveau du développement du scénario, de la mise en scène (ça dépend aussi des budgets de chacune), etc. Au final, il n'y a pas deux pornos féministes qui se ressemblent. Par exemple, ce que peut faire Shine Louise Houston, qui est vraiment dans le porno queer, n'a rien à voir avec ce que peut faire Erika Lust, qui fait des films beaucoup plus hétéros. Enfin, le troisième point est la représentation dite « positive » – c’est un mot très important dans le jargon féministe pro-sexe – la représentation positive de la sexualité. C'est-à-dire la représentation de divers plaisirs féminins. Il ne faut pas que les femmes jouissent que quand on leur fait un cunnilingus, par exemple. Il est important qu'elles soient actives et qu'elles ne soient pas objet mais qu'elles deviennent sujet.
Julien Cescotto : Est-ce qu'il y a des influences majeures parmi celles que tu viens de citer qui t'ont conduite à la réalisation de tes films ?
-Ovidie : Ma principale influence, ça a été Annie Sprinkle. C'est comme ça que tout est parti. J'ai commencé à réaliser en 2000. À cette époque, il n'existait pas tellement de ce genre de films, il n'y avait eu que le courant des pionnières. Zentropa au Danemark commençait, mais c’est encore un courant un peu à part.
Julien Cescotto : Quelle sont les difficultés majeures pour monter de tels projets ?
-Ovidie : Aujourd'hui, c'est beaucoup moins difficile – en tout cas en ce qui me concerne. J'ai une liberté totale dans ce que je peux faire et j'arrive aussi à trouver des financements. Pas de gros financements, de très petits financements, de l'ordre du court-métrage alors qu’on doit faire des longs-métrages... J'y arrive car mes films sont diffusés sur Canal +. Cela permet de faire en sorte que le film soit possible. Pas rentable, mais possible, c'est déjà pas mal ! Mais pendant pas loin d'une dizaine d'années, cela a été très compliqué. Je dirais de 2000 à 2009, pour être très honnête, ça a été super complexe, car les producteurs que je rencontrais étaient assez emballés à l'idée qu'ils puissent « marketer » un film porno destiné aux femmes – je simplifie, mais c'était ça. Il étaient très contents de m'avoir mais en revanche, ils ne voulaient pas que ça soit trop radical non plus. Il fallait se plier à un minimum de codes et de pratique. C’était très inconfortable. J’ai été tiraillée pendant pas mal d'années entre ce que je voulais réaliser dans l'absolu et ce qu'on m'autorisait à faire. Ça a été vraiment chiant.
Julien Cescotto : Tu t'es sentie plus libre sur Histoire de sexe(s) (2009), par exemple, que sur Orgie en noir (2000) ?
-Ovidie : Ça n'a pas grand-chose à voir, clairement. Pour Orgie en noir, j'avais dix-neuf ans, c'est le premier film que j'ai réalisé. À cette époque-là, il m'ont fait confiance. Pour cela, je leur en suis reconnaissante, mais ils n'avaient pas confiance à 100% non plus. Donc j'ai fait des concessions. Il y a eu des choses que j'ai pu imposer, tout en respectant un cahier des charges.
Julien Cescotto : On constate par exemple que dans Orgie en noir, les scènes pornographiques, les scènes de sexe, durent beaucoup plus longtemps que dans Histoire de sexe(s).
-Ovidie : Orgie en noir est un film pornographique. Sans ambiguïtés. Cela ne veut pas dire qu'il s'agit d'un film pornographique horriblement sexiste ou ce genre de chose. Mais c'est un film pornographique qui correspond à ses codes, dans le sens où il faut qu'il y ait une histoire-prétexte et il faut qu'il y ait un certain nombre de scènes ; tourné avec des gens qui participent à l'industrie pornographique. Je dis un truc tout bête, mais parmi les quelques concessions que j'avais faites à l'époque, il avait fallu que j'accepte un certain nombre d'actrices qui venaient de République tchèque, par exemple. Ça faisait partie des choses un peu imposées. De plus, ce n'est pas moi qui ai cadré Orgie en noir. Aujourd'hui, je cadre et je monte tout seule. Le montage, mine de rien, est quand même extrêmement important. Pendant le montage d'Orgie en noir, j'étais assise à côté du monteur, et pour le cadre j'étais devant le moniteur, ce n'est pas la question, mais je n'avais pas du tout la même liberté aujourd'hui qu'à l'époque, Aujourd'hui, quand je cadre mes scènes de sexe, je sais exactement ce que je fais, ce que je veux. La vraie liberté a commencé en 2009 avec Histoire de sexe(s), qui a été le premier film pour lequel on m'a foutu la paix à 100%. Après, il y a eu quelques autres films pour lesquels on m'a foutu la paix. Je me souviens que toutes les vidéos éducatives que j'ai faites avec Sexualité : mode d'emploi, c'était le cas. Pour des histoires scénarisées, commencées en 2009, il aura fallu attendre neuf ans pour avoir la liberté totale de faire ce que je voulais. Histoire de sexe(s) a fonctionné en termes de chiffres, pas dans le sens « argent », mais dans le sens « audience » puisque ça a explosé toutes les audiences sur Canal+. Ils ont eu +400% de femmes au niveau des cours Médiamétrie... Constatant que j’attirais un public féminin, j'ai eu liberté totale de faire tout ce qui a suivi, c'est-à-dire Infidélité, Liberté sexuelle – qui est un peu space, comme film – et Pulsion. Le dernier [aujourd'hui terminé, intitulé Le Baiser, ndlr] est un film sur la bisexualité, qui contient des scènes de bisexualité masculine, ce qui est tout simplement la première fois que ça arrive sur Canal +.
Julien Cescotto : La bisexualité masculine est un tabou assez énorme, me semble-t-il, en tout cas sur Canal +, ou dans le porno mainstream. Ou alors c'est assez marginal...
-Ovidie : En fait, ça n'arrive jamais... C'est dans ce sens-là où je dis qu'aujourd'hui j'ai vraiment pu acquérir une liberté de faire ce que je veux. Normalement, on ne franchit pas ces frontières-là. Attention, cela n'est pas relatif à Canal+, ça l’est à l'ensemble de la pornographie, où, soyons clairs, il y a un grand fond homophobe. Chez la plupart des gens qui travaillent dans le X, c'est assez fou, d'ailleurs, car on travaille dans une industrie qui est censée être plus ouverte sur les questions de sexualité et qui, en fait, est extrêmement fermée sur les questions de genres et de choses comme ça. Il faut vraiment creuser dans le milieu de la pornographie féministe pour trouver des gens qui soient ouverts. Mais dans le porno hétéro mainstream, la bisexualité masculine est un énorme tabou ! Ça n'existe pas. Soit on diffuse un film gay, soit on diffuse un film hétéro, mais on ne diffuse pas les deux. Et quand on diffuse des scènes soi-disant bisexuelles féminines, ça n'a de « bisexuel » que le nom. Ça ne s'inscrit vraiment pas dans une représentation réelle de ce que peuvent être des rapports entre filles. On est vraiment dans des représentations très caricaturales, avec des filles qui ont des ongles américains super longs, avec des nanas qui gémissent alors qu'elles se sont à peine touchées.
Julien Cescotto : Il s'agit d'une certaine conformité au regard de l'homme ?
-Ovidie : Oui, c'est dans le but d'exciter uniquement le spectateur masculin avec quelque chose de pas très « effrayant », d'assez lisse et surtout complètement absurde. On le voit : les cunnilingus sont absurdes, mal faits, les rapports ne sont pas du tout crédibles... Ça n'a aucun sens.
Julien Cescotto : Dans Histoire de sexe(s), le film souligne les différences de points de vue sur la sexualité qu'ont les personnages masculins et féminins. Est-ce une manière de parler du conflit entre les sexes ? As-tu voulu montrer quelque chose en particulier à ce niveau-là ?
-Ovidie : Non, ce n'est pas une sorte de conflit entre les sexes, il s'agit juste montrer que pour le même acte sexuel, on n'en aura pas forcément la même perception. Même si on l'a vécu ensemble, il se fait qu'on n'en retire pas forcément la même expérience et qu'on n'a pas la même vision des choses. Je pense notamment à cette histoire qui est racontée en simultané où le couple explique qu'il a eu une relation échangiste. Le mec a une version très glorieuse de la situation en expliquant à quel point ils se sont éclatés, etc. Et puis la nana raconte que ce qu'elle a vécu, de son point de vue, c'est que ça a été vraiment une catastrophe, qu'elle s'est ennuyée, qu'il y a eu une crise de jalousie et qu'ils se sont engueulés. Il s'agit juste de montrer qu'on n'a pas toujours la même perception du même acte sexuel qu'on a vécu à deux.
Julien Cescotto : Avec ton nouveau film Pulsion, tu abordes le problème des pathologies sexuelles. Est-ce un sujet plus difficile à traiter par le biais de la pornographie que les problèmes de couples abordés dans tes précédents films ?
-Ovidie : En fait, Pulsion est un film un peu à part. Il ne s'agit pas d'un film aussi militant que Liberté Sexuelle, qui lui l’est extrêmement, avec ce groupe de collectivistes, qui vivent en communauté, qui pratiquent l'amour libre, qui s'engueulent et où ça ne fonctionne pas. Avec Pulsion, on est dans quelque chose d’assez léger, qui est parti d’une vaste blague. Ça vient d’un article qui avait été publié dans Le Figaro, écrit par quelqu'un que je connaissais bien, un sexologue qui s'appelle Damien Mascret, sur une femme qui avait jusqu'à deux cents orgasmes par jour – ou par semaine, je ne me rappelle plus.
Julien Cescotto : Le fameux syndrome d'excitation génitale persistante (S.E.G.P.) ?
-Ovidie : Oui, c'est ça ! Ça existe, pour de vrai ! Et je trouvais ça tellement aberrant ! J'en avais parlé avec des gens, et il y avait des mecs qui disaient : « Ah ouais, c'est une nympho ! » Du coup, j'avais creusé un peu, j'avais regardé des reportages et des documentaires tournés aux États-Unis, avec des nanas qui souffraient de ce syndrome-là et c'était un cauchemar pour elles ! Ces filles n'arrivaient plus à travailler, certaines évitaient les rapports sexuels car, justement, c'était un calvaire, d'autres n'arrivaient même plus à conduire. En fait, dès que les situations émotionnelles sont compliquées, elles jouissent de manière incontrôlée. Par exemple, une avait eu un orgasme en apprenant que sa mère était morte. Une autre, c'était en téléphonant à l'hôpital... En fait, c'est un véritable cauchemar. Je me suis dit que j'allais raconter le calvaire d'une de ces gonzesses-là. Mais Pulsion est un film un peu à part dans le sens où les représentations sexuelles qui se trouvent dans le film ne sont pas révolutionnaires. Je voulais faire une espèce de comédie seventies. C'était mon but. Pulsion est une sorte d'hommage au porno des années soixante-dix.
Julien Cescotto : En ce qui concerne ce type de films, justement, tu as des références particulières qui t'ont influencée pour Pulsion ?
-Ovidie : Oui, un peu tous les films produits par Alpha France.
Julien Cescotto : Comme les vieux Brigitte Lahaie ?
-Ovidie : Oui, exactement. Ou encore Le sexe qui parle de Francis Leroi, avec cette espèce de pathologie improbable ! [Ce film est basé sur le fait que le vagin de la principale protagoniste se met soudainement à parler, ndlr]. J'ai voulu faire un film un peu décalé, un peu comme ceux de Francis Leroi, Gérard Kikoïne ou même de Jean-Marie Pallardy. D'ailleurs, celui qui joue le rôle du psychiatre, Christophe Bier [acteur, réalisateur, historien de cinéma et critique de cinéma, ndlr], est la plus grosse bible en matière de cinéma pornographique existante ! De tous les critiques que je connais, c'est probablement lui qui a le plus de connaissances. Il a publié un dictionnaire du cinéma pornographique en 16 et 35 MM qui est énorme ! (Je ne sais pas combien de milliers de pages ça fait). Je me suis dit : quitte à faire une comédie seventies, autant prendre Christophe Bier dans le rôle principal.
Julien Cescotto : Qu'est-ce qui serait totalement subversif à montrer dans un film pornographique aujourd'hui ?
-Ovidie : Ce qui était subversif, je l'ai fait cet été [rappel : interview réalisée en octobre 2014, ndlr] c'est vraiment cette histoire de bisexualité. Et je l'ai fait un peu dans le dos, dans le sens où je n’ai pas dit à grand monde ce que j'étais en train de faire. Y compris aux personnes qui étaient impliquées dans la production. J'ai fait ça avec Madison Young, qui est une icône du porno féministe de San Francisco. On l'a fait venir en France. Mais ça a été le gros tabou de dire : « Putain, j'en ai marre de ce que je suis en train de faire ! Là, je vais faire un film bi. »
Julien Cescotto : Ça n'a pas posé problème, justement, du fait que tu ais fait ça « dans le dos », comme tu dis ?
-Ovidie : Non, car ce film est trois milliards de fois mieux que ce que j'ai fait auparavant ! Donc, il n'y a pas de problèmes (rires). Par ailleurs, cela a drainé de la presse, de la communication a pris place autour, et tout le monde est content, le résultat est chouette. Je suis en train de faire le montage final et la musique est en préparation. [même remarque que ci-dessus, ndlr] De plus, les gens impliqués dans la production ne sont pas des idiots non plus, ils ont compris l'intérêt de défendre un projet comme celui-là. Le truc, c'est que je tourne très souvent mes films en été.
Julien Cescotto : Il y a une raison particulière ?
-Ovidie : Je fais ça pour des questions d'arrangement, d'organisation, de famille, de plein de choses... C'est ce qui m'arrange le plus. Je tourne en été, et l'avantage c'est qu'il n'y a personne dans les bureaux (rires). C'est très bien ! Et j'essaie de m'arranger aussi pour tout ce qui est service juridique, pour faire passer mes films au moment où... « Tiens ! C'est les vacances ! », « Tiens, c'est Noël ! » Ça tombe bien !


Interview réalisée en octobre 2014

JJC
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Créée

le 8 févr. 2015

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