Ce film peut rebuter pour plusieurs raisons. D’abord la situation de séquestration progressive est assez artificielle. Pourquoi Blanche se coltine-t’elle une sœur aussi abjecte pendant d’aussi longues années ? Pourquoi n’est-elle pas fichue de hurler à la fenêtre pour alerter sa voisine ? Mais tout ça relève du détail.
Le gros point noir qu’on pourrait reprocher au film est paradoxalement ce qui fait sa plus grande force : la méchante hyper caricaturale. Or, Jane n’est pas une caricature de la star déchue décadente, le sujet du film est tout autre, Hollywood n’est ici qu’un contexte. En fait, ce film s’apprécie pleinement que si on a eu le malheur au cours sa vie de côtoyer de près une personne réellement narcissique et qu’on en a pris toute la mesure.
Alors, si tel est le cas, on remarquera dès le tout début les traits familiers de la salle gosse colérique et capricieuse avec Baby Jane enfant. Puis tout au long du film le mode opératoire habituel : mensonges, dénis de réalité, gaslighting, violences…
Le monde du spectacle est le contexte idéal pour représenter cette psyché grotesque qui n’a rien d’exagéré. D’une part parce que ça permet d’exacerber une telle personnalité à l’extrême par la gloire qui rendra la chute d’autant plus amère. Et d’autre part parce qu’une actrice va forcément exhiber des traits qui sont normalement relativement cachés chez les narcissiques ordinaires.
Un narcissique est une personne aux portes de la folie, ce film nous en montre une en franchir le seuil. Ce que vous voyez est laid, futile et détestable, c’est ça leur véritable nature dans toute sa splendeur décrépite.
Les actrices sont excellentes, la réalisation est limpide. La question du titre fait plus office de McGuffin qu’autre chose :
La révélation finale permet juste d’expliquer la gentillesse de Blanche à l’égard de sa sœur d’une façon très tirée par les cheveux.
Il est fort dommage que quelques maladresses scénaristiques viennent entacher ce qui aurait pu être un très grand film.