Deux mois seulement après la sortie de son précédent film, Pentagon Papers, Steven Spielberg, ce vieil enfant hyperactif, frappe fort en livrant une œuvre ayant pour objet la culture pop qu'il a lui-même en partie façonné grâce notamment aux indémodables Jurassic Park et Retour vers le Futur (en tant que producteur). Serait-ce alors une occasion pour le cinéaste de jeter un œil sage et critique sur les influences qui ont bercé sa carrière ?
Hélas, la réponse est en grande partie non. Car Ready Player One est un vagabond qui mange à tous les râteliers. En effet, sur le papier Spielberg n'entend pas présenter ses hommages qu'aux années 1980, 1990, mais aussi aux années 2000 et même 2010. Cela se manifeste en la présence de nombreuses références aux jeux-vidéo, comme Doom, Minecraft ou Halo. Il s'agit bien d'insister sur la mention sur le papier, car en réalité Spielberg est complètement étranger, détaché de cette culture pop ci. Cela se ressent à l'écran, puisqu'à aucuns moments, celles-ci ne vont diriger l'histoire. Mais c'est une critique qui peut être étendue à l'ensemble des références du long-métrage, car même les allusions à la culture qui habite et environne le réalisateur sont au pire inutiles, cosmétiques (la DeLorean), au mieux réduits au stade d'outil pour permettre la progression des personnages sans qu'aucunes réflexions ne soient développées (le cube Zemeckis, le géant de fer). L'unique exception, celle-ci est marquante, est l'intrigue se déroulant dans The Shining. Marquante, car elle est amenée de façon subtile. Son arrivée dans l'histoire se fait en abordant le rapport entre Stephen King et Stanley Kubrick, deux pères d'une même œuvre - ce n'est un secret pour personne que King déteste l'adaptation de Kubrick -, et Spielberg réutilise et réinvente les gracieux plans composés par Kubrick trente-huit ans plus tôt, créant ainsi quelque chose de véritablement inventif ! C'est à cet instant que l'on parle vraiment de Cinéma.
Cependant, a priori Ready Player One n'est pas qu'un empilement de références diverses et variées, c'est également un hommage aux productions des années 1980 à travers la narration, le film se vantant d'être écrit à la façon des blockbusters Amblin de l'époque. Dans cet ordre d'idée, il est cohérent qu'à la bande originale, on retrouve un Alan Silvestri tourné vers le passé et livrant un travail old-school marqué par un thème principal délicieusement Amblin'esque. Dans les faits, cette intention est respectée, mais un temps conséquent est perdu de part la superficialité de la direction générale du film, négligeant ainsi les personnages. Le principal à en souffrir étant James Halliday, personnage typiquement Spielberg'ien, et faisant écho au bon gros géant du film éponyme, ici absent physiquement de l'intrigue. De ce fait, Ready Player One devient une course contre la montre dont l'objet est la recherche de l'héritage Spielberg'ien. Au fur et à mesure que l'intrigue progresse, les protagonistes et le spectateur plongent de plus en plus dans l'esprit de cet homme-enfant-rêveur et donc dans la sève du cinéma de Spielberg, jusqu'à la résolution, l'heure des regrets, car James Halliday est un personnage tragique qui ne connaîtra jamais le destin de tous ses homologues. Mais son décès ainsi que l'issu de son concours laissent place à son ultime leçon, celle que "la réalité est réelle". Un message hélas assez peu tranché, mais s'il l'avait été d'avantage, Ready Player One se serait pris les pieds dans le tapis devenant ainsi un pamphlet anti-culture pop. Mais il faut garder à l'esprit que les scènes dans lesquelles James Halliday apparaît sont bien trop rares, et que les références abondant de chaque recoin du cadre sont bien trop de divertissements, empêchant ainsi son fantôme de planer sur l'ensemble de l'œuvre.
Ce qui fait de Ready Player One un divertissement certes généreux, virtuose et total, mais aussi une occasion ratée pour Spielberg de "parler culture"...