Scandale se voulait sans doute film militant dénonçant la réalité du harcèlement sexuel dans les hautes de la télévision populaire, et rate complètement son propos par des choix de réalisation inconsistants. Jay Roach essaie de jouer sur deux tableaux, et ça ne fonctionne pas. Tout ce qu’il « dénonce », l’ambiance de travail toxique, le formatage, les injonctions, etc. le sont de manière superficielles, exposées comme dans une vitrine.
Le film essaie d’une part d’exposer de manière assez lourde et didactique les sombres arrières de la chaîne et de sa collusion avec Trump, et d’autre part les scandales avérés qui s’y sont produits. Mais il s’y prend très maladroitement, par exemple en confiant l’exposé des dessous de la chaîne (ne vérifie pas tes sources, etc.) à son unique personnage lesbien et démocrate. Ce choix en un sens décrédibilise le propos, car forcément, elle a un regard biaisé sur son employeur, chez qui pourtant elle reste. Oui le film n’est pas pro-Fox, mais je n’ai pas ressenti une charge profonde, plutôt des piques superficielles qui pourraient être envoyées à d’autres networks. D’autre part, en voulant mettre en avant trop de profils forts, il noie son propos derrière des combats personnels et individuels. Ici aussi, on énonce brièvement dans une séquences clip-show bon nombre de noms masculins coupables, mais un seul au final sera inquiété. Au lieu donc de dénoncer une vraie culture du harcèlement, le film se réduit à un ou deux moutons noirs.
De même le film tente de dépeindre un système à la fois fascinant et destructeur, mais reste ici aussi trop caricatural et réduit à des questions d’argent, d’ego et de notoriété (en tout cas pour le personnage de Nicole Kidman). Le film en profite également pour bien pousser une certaine vision de la famille et de la loyauté, ce qui embrouille encore plus son message.
J’ai également un vrai problème avec l’ambiance et la mise en scène choisie. Si les couleurs pop et saturées se justifient par le milieu de la télévision, quoi qu’on aurait pu en donner un éclairage plus blafard à la Money Monster, Scandale prend la voie visuelle et auditive du pop, du léger. Ce film ne m’a jamais mis mal à l’aise, c e qui est terrible au vu de son propos. Le meilleur exemple est la scène où Margot Robbie rencontre John Lightgow dans son bureau, et doit relever sa robe. La scène est clairement filmée du point de vue masculin, déconnectant le corps montré du visage de la personne, avec un montage très coupé, presque dans les codes de la séduction. Un tel plan aurait mérité une réelle austérité pour accentuer l’humiliation et le malaise subis par le personnage. Ce paradoxe se retrouve à beaucoup d’endroits du film, et même dans ses lignes finales, où la gravité de ce qui est écrit (les deux coupables ont gagnés plus en indemnités de licenciement que toutes leurs victimes en dommages et intérêts) est immédiatement balayée par un générique digne d’une marque de rasoirs roses, où des femmes bien sapées balancent leur hanches au son rythmé d’une musique de pseudo-empowerment.
Pour finir sur une légère note positive, la seule actrice a bien s’en sortir et à apporter un tant soit peu d’émotions est Margot Robbie, notamment avec sa confession téléphonique. Ses deux consœurs, trop figées et dans la retenue, n’ont pas d’espace pour vraiment briller.