Cette critique s'adresse aux gens qui ont vu le film, ou à ceux qui n'ont pas envie de le voir, mais qui voudraient faire comme si... Bref, ATTENTION SPOILERS !!!
Shutter Island, c'est l'histoire d'un homme qui découvre avec effarement qu'il est ce que le spectateur s'attend exactement à ce qu'il soit depuis le début... Mais non, ce n'est pas Sixième sens !!!
C'est l'histoire d'un homme qui découvre que tout ce qu'il a vécu pendant le film, c'est lui qui l'a inventé... Mais non, ce n'est pas Fight Club !!!
C'est l'histoire d'un malade mental qui refuse d'accepter la vérité, et s'oppose à ceux qui veulent le soigner... Mais non, ce n'est pas Un homme d'exception !!!
Quoique... Si on croisait les trois, on aurait peut-être un film relativement approchant de Shutter Island.
Bref, tout cela pour dire que l'originalité n'est clairement pas le signe sous lequel se place Martin Scorsese en faisant ce film... Ou s'il croyait faire un film original, il faudrait qu'il se tourne un peu vers ce que font ses confrères !
Cela dit, le film est loin d'être dénué de défauts. Tout d'abord, la mise en scène de Scorsese et la photographie de Robert Richardson remédient plutôt bien à l'ultra-prévisibilité du scénario... L'image est la plupart du temps très travaillée, et souvent pour le mieux. Et comme Scorsese a visiblement l'intention de prendre son temps, on a largement le temps de contempler son travail esthétique. Cela dit, la lenteur du film n'est qu'à moitié un défaut, parce qu'elle permet à l'atmosphère de s'installer très progressivement, et ainsi, de créer une ambiance assez fascinante. Mais enfin, un film trop long reste un film trop long ! Surtout vers la fin, quand Di Caprio a enfin compris ce qu'on aurait voulu qu'il devine en même temps que nous, le film a tendance à s'éterniser. Il est vrai que, là encore, malgré une certaine platitude, la scène finale introduit une ambiguïté relativement intéressante. Mais voilà, Scorsese n'est pas Nolan, et il a une bien moins bonne maîtrise du twist... On ne peut pas vraiment lui jeter la pierre, un twist est très difficile à réussir, mais il est d'autant plus difficile quand on n'est pas le premier à y avoir pensé...
Du point de vue des acteurs, ceux-ci se débrouillent, mais voilà, il faut que je l'avoue, j'ai un sérieux problème avec Mark Ruffalo... Que ce soit dans Avengers, Insaisissables ou Shutter Island, je le trouve d'une mollesse qui ferait presque pâlir d'envie Nicolas Cage ! Je ne sais pas si c'est lui qui joue avec le charisme d'un escargot ou moi qui n'arrive pas à accrocher à son jeu, mais décidément, ça ne passe pas. Pour sa défense, je dois reconnaître qu'il a le rôle le plus difficile du film, et que cette sorte d'indécision, comme si Ruffalo n'arrivait pas à trouver le bon ton pour jouer son personnage est peut-être voulue (ce serait cohérent avec le reste du film), mais une chose est sûre, il ne m'a pas aidé à rentrer dans l'ambiance... Là où je dois plaider coupable également, c'est que, pour une raison qui demeure encore mystérieuse, j'ai choisi de regarder le film en VF, et que la voix français de Ruffalo est atroce (étrangement, Robinson Stévenin, doubleur de Mark Ruffalo, n'a jamais retenté l'expérience du doublage). Pour ça, le pauvre Mark n'y est absolument pour rien, et je lui promets d'être plus prudent la prochaine fois... Mais bon, ne rejetons pas toute la faute sur cette erreur de doublage, ce serait trop facile.
Les autres acteurs, eux, font leur boulot convenablement, et c'est toujours un plaisir de retrouver notre bon vieux Max von Sydow (doublé en français par lui-même: au moins, ça évite les risques d'accidents !).
Ainsi, malgré un scénario et un twist qui ne resteront pas gravées dans les annales du cinéma (oui, oui, je regarderai le film une deuxième fois pour mieux le juger, mais pas tout de suite...), le film tient quand même la route, et ce n'est pas sans déplaisir qu'on le suit. Mais ça n'en fait pas pour autant un chef-d'oeuvre.
En clair, Shutter Island, c'est l'histoire d'un réalisateur qui s'est pris pour Hitchcock, mais qui n'est pas Hitchcock.
C'est l'histoire d'un réalisateur qui s'est pris pour Fincher, mais qui n'est pas Fincher.
C'est l'histoire d'un réalisateur qui s'est pris pour Nolan, mais qui n'est pas Nolan.
Bref, c'est l'histoire d'un réalisateur qui s'appelle Scorsese, et qui est incapable de faire autre chose que du Scorsese.