Ce film qui s'annonçait comme un bon moment de cinéma souffre de deux énormes défauts : des personnages ratés et des incohérences dans l'histoire.


Les personnages :
Aucun n'est réussi. Du coup, l’identification ou l'empathie ne fonctionne pas et on ne ressent que très peu d'émotion. Nous sommes juste spectateurs du destin des personnages et leur évolution au cours du film ne va réserver aucune surprise.


Kate : on ne sait quasiment rien d'elle. C'est un personnage qui s'annonce fort au début et qui finalement ne contrôle rien de sa destinée. Elle est bringuebalée, impuissante, au gré des décisions des "boss". L'argument selon lequel elle incarne la probité dans un monde corrompu ne justifie pas à mes yeux d'en faire un personnage aussi faible. Le côté évanescent sur lequel elle joue semble totalement contradictoire avec la mission qu'on lui confie. Qu'est ce qu'elle fabrique là se demande-t- on ?
Matt : Ce personnage joue sur une seule ligne du début à la fin. L'expert "viril/cool" qui s'exprime de façon énigmatique et exerce son pouvoir sur les autres du fait qu'il détient seul la vérité. Un personnage qui s'enfoncera au fil du récit dans sa propre caricature.
Alejandro : il aurait pu être le personnage le plus intéressant d'autant qu'il est joué par un acteur excellent (Del Toro). Hélas, le portrait qui s'esquisse au tout début, celui d'un homme aussi mystérieux qu'inquiétant, laisse rapidement la place à sa version musclée et triviale. Ce ne sera finalement qu'un héros "à l'américaine", surarmé et assouvissant une vengeance aveugle quel qu'en soit le coût. Très décevant.
Reggie : le pote black de Kate est tout simplement insignifiant. L'exemple même du personnage secondaire sans intérêt et inutile.
Le petit flic mexicain : mais à quoi sert ce personnage ?


Deuxième faiblesse du film, ses incohérences. Voici 10 questions auxquelles je vous suggère de répondre (donc attention SPOIL) :
1 - Dans la première scène : pourquoi conservent-ils dans les murs tous ces cadavres ? Quand on a 17 corps à faire disparaitre, on les enterre, on les brûle, mais on ne les cache pas dans le placard comme des smoking. D'autant qu'avec du 40° à l'ombre on imagine les odeurs...(sauf qu'au cinéma on ne sent rien, c'est pratique)
2 - Le flic qui tire sur Kate dans l'embouteillage. il vient de voir huit de ses collègues mafieux surarmés se faire massacrer en un clin d’œil par une douzaine de pros de la CIA. Qu'est ce qu'il décide de faire ? Se planquer incognito ou sortir son flingue ?
3 - Kate devient d'un coup une grosse fumeuse. Vous y croyez ?
4- Alejandro est procureur, ranger et adepte de la méthode Django (voir plus haut) mais en plus, il est passe-muraille. Il a cette faculté étonnante de pénétrer dans les appartements de Kate sans sa permission. A moins qu'elle ne laisse gentiment sa porte ouverte ? Hum.
5 - Briefing de l'opération à venir dans la base militaire : les plus concernés peuvent-ils arriver en retard ?
6 - Les flics corrompus ont des bracelets de couleur dans leur poche qui les trahissent. Vous ne trouvez pas ça un peu gros ?
7 - Comment expliquez-vous cet aspect crucial du scénario : Alejandro traverse le tunnel pour prendre (lui seul, les autres n'y ont pas pensé sans doute) la branche du tunnel qui arrive dans un hangar, hangar où il va emprunter une voiture de police (et son chauffeur) voiture avec laquelle il va rattraper la berline du boss partie quelques heures plus tôt et qui comme par hasard passe dans le secteur ! Question : et s'il n'y avait pas eu cette voiture providentielle ? Quel était le plan B ? Qu'est ce que le boss faisait dans le coin ? Comment Alejandro le savait ?
8 - Comment le boss n°2 (Diaz) fait-il pour rouler jusqu'à l'entrée de la propriété en ayant été égorgé quelques secondes plus tôt par Alejandro (qui par ailleurs tire tous les gardes comme des lapins ) Peut-on croire qu'un aussi gros bonnet de la drogue soit aussi mal défendu ?
9 - Alejandro a-t-il vu Django unchained avant son règlement de compte ?
10 - Peut on croire que l'on puisse aussi facilement exécuter chez lui un parrain de la drogue dans un scenario qui se veut réaliste ?


Pour le reste, musique, mise en scène, photographie ça tient la route.


Personnages/interprétation : 3/10
Scénario/histoire : 3/10
Réalisation/mise en scène : 7/10


4/10

Theloma
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mouais : ces films que j'ai visiblement moins aimés que vous (mais je l'assume ^^)

Créée

le 21 oct. 2015

Critique lue 2K fois

13 j'aime

10 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 2K fois

13
10

D'autres avis sur Sicario

Sicario
Vivienn
8

Apocalypse Ñow

Ce qui fait de Denis Villeneuve, depuis maintenant quelques années, une véritable valeur sure du cinéma nord-américain, c’est qu’il est tout sauf un pur produit hollywoodien. Prisoners n’était pas...

le 10 oct. 2015

150 j'aime

5

Sicario
Halifax
7

Les dieux de la vengeance exercent en silence, traquant l'immoral au prix de la loi

Sicario c'est surement l'histoire d'une grosse attente et aussi d'un sentiment partagé lorsque l'écran s'est éteint. Partagé, très partagé même sur le coup. Sicario était plein de promesses, doté...

le 26 oct. 2015

68 j'aime

7

Sicario
guyness
7

Les noches de Sicario

Theloma l'a parfaitement résumé: les entorses à la crédibilité de Sicario sont nombreuses. Mais cela n'a pas énormément d'importance, dans la mesure où la dernière livraison de Denis Villeneuve...

le 15 mars 2016

59 j'aime

11

Du même critique

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

108 j'aime

33

Ad Astra
Theloma
5

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Life - Origine inconnue
Theloma
7

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

le 21 avr. 2017

81 j'aime

17