Dernier film de mes hallus, Sonny Boy de Robert Martin Carroll était certainement le film le plus attendu du festival. Présenté dans le Cabinet de Curiosités, ce long-métrage a une histoire très cryptique, complètement détruit par la critique et boudé par les spectateurs à sa sortie, il avait disparu de la circulation pendant très longtemps, devenu un objet de quasi-culte pour certains passionnés, réapparut de nul part il y a quelque temps, bien décidé à reprendre place dans une certaine histoire du cinéma. Comme à mon habitude, n’ayant regardé aucune bande-annonce, ni lu de synopsis, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, simplement piqué de curiosité par l’aura dont bénéficie le film. Mais alors, qui est ce Sonny ? Tout simplement un jeune garçon élevé disons… différemment par cette famille de rednecks (qui ferait sûrement exploser les globes oculaires de Christine Boutin), dont la mère, joué par un David Carradine en robe et perruque longue, pourrait être d’ailleurs la seule raison de voir le film. Malheureusement, le long-métrage est un peu décevant à cause d’une mise en scène parfois un peu raté comportant tout de même quelques plans d’anthologies (notamment quand le personnage de Carradine saute par une fenêtre en collant, guns à la main), et des séquences très belles, dont l’influence western n’est pas déplaisante. Le montage est parfois quelque peu bancal. Ainsi, des cuts et des plans d’inserts cassent le rythme de certains passages. Mais le film se rattrape sur un scénario très intéressant, raconté sur un ton d’une incroyable liberté, libéré de tous jugements hâtifs sur une manière différente de faire les choses. Le long-métrage met alors en scène une galerie de freaks tous plus attachants les uns que les autres, et grâce à la magie du cinéma, il devient dur de détester ces ignobles humains qui n’hésitent pas à faire les pires choses, juste parce qu’ils ont d’autres considérations morales. Mis en miroir d’une population dites normale, il devient alors difficile de différencier les bons des mauvais. Sonny Boy apparaît alors comme une créature de Frankenstein façonné non pas par la science, mais par des coups de bâtons, de l’endurance à la douleur, de l’emprisonnement et de l’humiliation, et devient le personnage le plus humain de tous, détaché de toutes les conceptions matérielles, en simple quête d’identité. Fausto Fasulo, invité pour introduire le film, le comparait très justement avec L’Enfant Sauvage de François Truffaut. C’est donc à peu près ça Sonny Boy, le croisement bâtard du long-métrage de Truffaut, du mythe de la créature de Frankenstein et aussi de tout un pan du cinéma d’hicksploitation. Bref, un rejeton monstrueux, infusé d’une déviance innocente faisant du film une véritable curiosité.