La Mafia on connaît, merci. On a beau être habitué à tout ça, les petites crapules qui se la jouent gros caïds, les parrains qui en imposent, les politicards véreux, les guerres de clans, les putes, les camés, les magouilles et tutti quanti, Stefano Sollima et ses scénaristes Carlo Bonini et Giancarlo De Cataldo (qui adaptent ici leur propre roman) parviennent à moderniser le genre en électrisant les codes et les figures imposés. Suburra, c’est avant tout un film de pluie, un film de nuit et de néons, un cauchemar bercé par les accords synthétiques et mélancoliques de M83 où Rome n’a plus grand-chose de sa splendeur. Elle y est sombre, ruisselante, néfaste et flétrie, c’est un gouffre d’excès qui paraît sans fin, gigantesque.
Évoquant les sept jours qui précédèrent la démission de Silvio Berlusconi à la tête du gouvernement italien (et ses conséquences directes sur celui-ci), et plus tard la renonciation de Benoît XVI, envisagées ici comme une "Apocalypse" à même d’ébranler les trois piliers de la condition mafieuse (politique, religion et crime organisé), Suburra fait rarement dans la dentelle pour exprimer toute l’ampleur de ce contre-pouvoir qui corrompt, qui transgresse et qui assassine, et c’est précisément ce côté sauvage et jusqu’au-boutiste, très physique (mais un peu trop démonstratif parfois), qui impressionne pas mal, à l’aune d’une violence se déchaînant à l’écran et emportant tout sur son passage, les amitiés, les familles, les connivences, les vies.
En mode film choral, puzzle existentialiste sous influence noire, Suburra déploie une galerie de personnages entre ténèbres et lumières, du député à la junkie en passant par hommes de l’ombre et hommes de main patibulaires. Personnages qui se croisent et se recroisent, se trahissent et s’entretuent aussi, imprévisibles, multiples, étourdis par l’ivresse du pouvoir et les présages du danger. Au fil d’un imbroglio politico-financier avec manne immobilière à la clé (transformer les plages d’Ostie en vaste complexe hôtelier) et Vatican en embuscade, Suburra démonte avec style (clinquant, rugissant, brillant) les rouages d’un système inique sans morale, sans chichis, sans pitié.
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