Si quelqu’un me racontait le fil du scénario que déroule Suzanne, je me féliciterais de n’être pas allé voir ce film. Tout y transpire la France depuis Zola, le regard sur les classes populaires, le destin qui s’acharne, les gens qui encaissent avec dignité.
L’avantage, lorsqu’on refuse de lire ne serait-ce qu’une ligne sur un film, c’est celui de la surprise. Auréolé ça et là d’une rumeur très favorable, ce film a fini par de démarquer et j’ai donc pris le pari d’aller m’en faire une idée.

Si l’on veut insister sur ses défauts, on peut en trouver quelques-uns, notamment celui de la surenchère inutile dans les derniers rebondissements qui émaillent la vie de Suzanne, ou une utilisation de la musique un peu poussive.
Ceci étant dit, on ne peut que saluer la réussite de l’ensemble. Le parti pris du film, la pudeur, génère une forme entièrement au service du fond. Plutôt que de nous montrer les instants terriblement marquants d’une vie difficile, la réalisatrice prend le parti de nous en montrer l’après, les conséquences, les silences et les visages marqués par les épreuves. De ce fait, tout repose sur l’interprétation des personnages qui, reconnaissons-le, est unanimement excellente.
La gestion du temps est l’autre grande réussite du film, qui nous promène sur deux décennies en 1h34 avec une aisance confondante. Ciselé, le film marque suffisamment ses personnages pour faire surgir une émotion lors de retrouvailles ou au sortir d’une ellipse particulièrement brutale.
Suzanne, être déconcertant de liberté et d’insouciance, d’intégrité dans son refus de tout compromis, voyage d’élans improvisés en perditions écrites à l’avance. La force de ce récit, par son traitement résolument anti didactique, est de nous rendre complice de
ce personnage mystérieux. Il ne s’agit ni d’expliquer, ni de légitimer, mais de donner à vous un parcours chaotique et, surtout, la vie qui continue. Car si le récit se veut ténu dans son pathos, c’est pour mieux révéler la force qui permet à celui qu’on terrasse de se relever. Pas de coupables, pas de victimes : des vivants.
La vie, donc, qui se poursuit et qui existe en dehors du cadre traditionnel du récit, qui voudrait qu’une situation finale succède aux péripéties. Ici, le hors champ de la narration et des conventions sociales propose un regard nouveau sur les individus et la cohorte de meurtrissures qu’ils portent sans pourtant s’arrêter sous leur poids.
Sergent_Pepper
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le 7 janv. 2014

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le 7 janv. 2014

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