"Ceux qui restent"
"Suzanne" est avant tout un film de l'absence. Ce qu'elle laisse sur les visages, dans les gestes de ceux qui restent. C'est d'abord l'absence d'une mère qui se fait sentir dès le début du film,...
Par
le 1 janv. 2014
41 j'aime
8
⚠️ Une maintenance est prévue ce Mercredi 4 décembre de 9h00 à 13h. Le site sera inacessible pendant cette période.
Nicolas, chauffeur routier, est père de deux fillettes adorables: Suzanne et Maria. Malheureusement ce papa très attentionné élève seul les enfants car son épouse est décédée. Les filles ont grandi sans problèmes particuliers et tout normalement le moment des sorties et l'approche des garçons a sonné. C'est alors que Suzanne fait la rencontre de Julien. Un beau jour Nicolas est convoqué par une assistante sociale pour lui apprendre que Suzanne qui est alors collégienne est enceinte et a décidé de garder l'enfant. Cette nouvelle provoque la colère de Nicolas mais heureusement la future maman peut compter sur la complicité de sa sœur Maria. Charly va naître mais cela ne va pas empêcher Suzanne de s'enfuir avec Julien qui n'est pas un garçon particulièrement honnête puisque Maria et Nicolas ne reverront la fugueuse que deux ans plus tard dans un tribunal pour un procès concernant une série de graves méfaits commis par le couple. Pendant ce temps Charly est placé dans une famille d'accueil.
Cette histoire est simple et complexe à la fois. C'est tout simplement une avalanche de drames qui va mettre à l'épreuve une famille heureuse après le terrible drame de la maman décédée très jeune. Elle laisse alors un père courageux qui, en plus de son métier prenant, élève seul ses deux filles tout à fait différentes mais très liées. De plus elles sont toutes deux très attachées à ce papa qui donne beaucoup afin de trouver un équilibre familial. On sent une vraie tendresse envers lui de la part de ses deux filles. Malheureusement l'adolescence arrive très vite, plus vite qu'on ne le pense, avec son lot d'insouciance mais aussi parfois de cruauté. Suzanne est moins mature que sa sœur Maria qui lui est d'un soutien actif. La jeune fille manque certainement de repères et la fatalité a voulu que ce soient les bras de Julien qui l'accueillent. C'est vrai qu'il est beau garçon avec son minois sympa, mais lui aussi manque de repères. Il est indépendant ce que Suzanne recherche. Attirée comme une éphémère par la lumière d'un lampadaire, la jeune fille est conquise et amoureuse jusqu'à suivre ce Julien corps et âme, donnant vie à un charmant petit Charly. Il faut bien tenter de vivre dans cette aventure malsaine et Suzanne aspirée, complice, va se retrouver dans un enfer qu'elle va faire subir indirectement à ce qui lui reste de famille. De fugues en fugues, entrecoupées d'éclaircies, elle ne peut se sortir du piège de Julien, certes amoureux mais toujours truand. Ce sera une nouvelle maternité puis le choc le plus terrible qui puisse lui arriver avec le décès accidentel de sa sœur Maria, l'être qu'elle vénérait le plus au monde. Ce soutien disparu va t-il permettre à Suzanne, seule devant ses responsabilités, de devenir enfin adulte et de retrouver sa stabilité? C'est la grande question que pose ce film.
C'est une œuvre émouvante et captivante que nous propose Katell Quillévéré pour son second film. Personnellement je trouve que les problèmes de Suzanne consécutifs à sa situation familiale, aux différents traumatismes subis durant sa jeune existence et à son manque de maturité sont très bien exposés dans cette œuvre. La réalisatrice nous présente la vie tourmentée de cette famille par épisodes ce qui nous offre un film remarquablement bien structuré, nous permettant de suivre de manière très claire l'évolution des différents personnages. La situation tragique dans laquelle se trouve Nicolas et ses filles n'est pas traitée avec complaisance, bien au contraire, l'analyse de Suzanne notamment et de son environnement nous sont soumis avec beaucoup de réalisme et de délicatesse. Ainsi nous suivons l'évolution des deux sœurs depuis leur enfance pour mieux se rendre compte de leurs différences malgré cette osmose qui les unit et force est de constater que Katell Quillévéré nous a construit un film très travaillé tant au niveau psychologique que dramatique. Il a su également tirer une brillante leçon de cette intrigue en nous démontrant que même dans les moments les plus improbables, les plus difficiles de la vie, il peut y avoir parfois une petite lueur d'espoir susceptible de faire apparaître des sourires sur les visages défaits des personnes en grand danger psychologique. Cette belle leçon est portée par l'excellente interprétation de Sara Forestier remarquée notamment dans "L'esquive". Elle nous campe ce personnage de Suzanne, aussi vrai que nature, en adolescente éprise d'amour, de liberté, d'excès et pleine de vie malgré les épreuves subies inconsciemment ou non. Elle se révèle vraiment comme une grande comédienne car ici son rôle n'est pas particulièrement simple. J'ai découvert avec beaucoup de plaisir Adèle Haenel dans le rôle de Maria, actrice pleine de sobriété et de sensibilité, qui se montre très crédible dans son personnage plein de complicité avec sa sœur même dans les instants les plus difficiles. François Damiens incarne avec brio Nicolas, ce père modèle émouvant et harassé par les malheurs qui s'abattent sur lui. Paul Lamy tient très bien le rôle de Julien, le mauvais génie qui entraîne Suzanne dans la tourmente.
J'ai vraiment apprécié ce film qui a tout de même connu un succès assez estimable auprès du public et des critiques. Il est heureux que de telles œuvres arrivent à se frayer une place au milieu de ces supers productions qui envahissent régulièrement nos écrans. Je vous invite donc à voir cette œuvre grave et émouvante que n'aurait certainement pas déjugé un réalisateur comme Maurice Pialat.
Ce film a obtenu :
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les très bons films., Cinéma : Entrez dans monde du drame., Cinéma : Entrez dans le monde du cinéma social. et Entrez dans le monde des réalisatrices qui font honneur au 7ème Art.
Créée
le 8 déc. 2014
Critique lue 1.7K fois
30 j'aime
8 commentaires
D'autres avis sur Suzanne
"Suzanne" est avant tout un film de l'absence. Ce qu'elle laisse sur les visages, dans les gestes de ceux qui restent. C'est d'abord l'absence d'une mère qui se fait sentir dès le début du film,...
Par
le 1 janv. 2014
41 j'aime
8
Nicolas, chauffeur routier, est père de deux fillettes adorables: Suzanne et Maria. Malheureusement ce papa très attentionné élève seul les enfants car son épouse est décédée. Les filles ont grandi...
le 8 déc. 2014
30 j'aime
8
Si Suzanne fait si forte impression, ce n’est pas seulement parce que Katell Quillévéré y effectue un pas de géant après un premier long-métrage bien trop timide voire fade, Un Poison violent (2010)...
le 28 juin 2013
20 j'aime
2
Du même critique
"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...
le 13 févr. 2014
178 j'aime
68
En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...
le 21 sept. 2014
171 j'aime
37
Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...
le 27 oct. 2013
158 j'aime
47