Touchez pas au grisbi est un film très important dans l'histoire du cinéma français des années 1950-1960 pour des raisons de casting. Il installe Jean Gabin dans sa nouvelle peau d'homme mûr désabusé et faisant autorité, la facette la plus souvent assimilée à celui qui joua plus tôt des rôles plus innocents dans La Grande Illusion, parfois aussi plus brutaux et pittoresques comme dans Les vieux de la vieille. C'est aussi grâce au tournage de ce film de 1954 que Gabin se lie d'amitié avec Lino Ventura, apparaissant ici pour la première fois à l'écran, auquel il arrive par hasard. Malgré son absence de formation, il va devenir un des comédiens les plus respectés dans les années à venir.


Réalisé par Jacques Becker (Casque d'or, Le Trou), lequel a démarré comme acteur régulier chez Renoir dans les années 1930, ce film est fameux pour d'autres raisons objectives. Touchez pas au grisbi est la première adaptation d'une trilogie tirée des romans policiers d'Albert Simonin mettant en scène Max le menteur, un bandit entré dans sa dernière époque. Les adaptations suivantes seront Le cave se rebiffe (de Grangier) et Les Tontons flingueurs (de Lautner), immense classique de la comédie française avec notamment Ventura en tête d'affiche. Touchez pas au grisbi connaît également un grand succès dès sa sortie, mais n'est pas dialogué comme ces deux derniers par Michel Audiard et reste fidèle au roman (écrit en argot).


C'est un film noir à la française au raffinement jubilatoire. Spirituel, léger, dramatique, Touchez pas au grisbi pourrait souffrir de la comparaison aux Tontons flingueurs dont il est très éloigné. Il le surpasse pourtant par son élégance que même ses élans grivois ne sauraient entamer. Il a l'originalité de présenter un univers de gangsters dépourvu de toute illusion et folie de grandeur, foncièrement blasé en somme sans y sacrifier ni l'allure ni les bénéfices. Gabin est présenté comme une espèce de dominateur loyal et aspirant au repos, se déclarant volontiers fatigué, tout en demeurant toujours opérationnel et gardant l'ascendant.


Touchez pas au grisbi est donc caractérisé par une certaine nonchalance et peut donner la sensation d'assister à un grand film creux, comme à une balade magistrale. Il tient des deux. Son caractère envoûtant rend dérisoire l'absence d'événements remuants : comme Gabin, le spectateur échappe à la pression et arpente la zone avec un mélange de blues et de délectation. À constater la fluidité des choses et des gens, l'absence de surprises, ce qu'on ressent avec lui, c'est le charme un peu déprimant d'une maîtrise maximale sur l'environnement. Seul point noir, la présence de Jeanne Moreau et sa manière d'être insupportable qu'ont su instrumentaliser les cinéastes lui donnant le premier rôle (Truffaut pour La mariée était en noir et Bunuel pour Le journal d'une femme de chambre).


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Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=TmhSqDQ8vpI

Créée

le 16 janv. 2015

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Zogarok

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