Bien des fois on a pu lire à propos ou entendre parler des affaires autour de Mel Gibson. Mainte fois aussi sur la radicalité de sa foi. On parle trop peu de celle de son cinéma. Avec Tu Ne Tueras Point, il continue sur la lancée de ses précédents films et même plus précisément sur celle de La Passion du Christ, car il s'agit ici d'une histoire de miracle. Basé sur des fait réels. Rien que cela. Attention à partir d'ici, il pourrait il y avoir des révélations sur le film. Des petites, mais quand même.
Et Caïn ne tua pas Abel … C'est un peu le relecture faites dès le début par l'histoire. Sauf que le héros vit bien sur Terre, qu'il est adventiste du septième jour et que son père est un ancien héros de la Première Guerre Mondiale devenu alcoolique.
Partant de ce point, on nous raconte ici un conte moderne, un questionnement fort sur la foi, les croyances et la guerre. Tout est brutalement raconté, comme Mel Gibson sait le faire. Et malgré le choix d'un sujet qui contient une bonne dose de religion, le film n'est pas sectaire. Au contraire. Ils posent des questions fondamentales, d'un crochet au foie.
Qu'est-ce que la guerre ? A quel point la foi nous dépasse et nous fait nous dépasser ? Qu'est-ce que tuer ? Et à quel point la croyance en des valeurs, qui sont parfois simplement des concepts, nous fait commettre des horreurs ? Qu'est-ce qu'un héros ? Est-ce qu'une telle chose existe ?
Au centre du film il y a un beau parallèle qui résume tout cela : un face à face entre un soldat américain et un autre japonais qui s'entre-tuent et renvoie à la scène où Desmond, le personnage principal, se trouve face à face à un japonais et le soigne. Deux situations qui pourraient être similaires mais qu'il ne le sont pas car un homme fait un choix différent et change l'énergie même de la situation.
Il est aussi radical sur la forme comme les films cités plus haut. Même s'il n'y a pas de moments aussi graphiquement violent que dans ses autres films, rien n'est caché des batailles que nous traversons au cœur, aux côtés des soldats. Pourtant, et cela apporte une intéressante ambiguïté, Mel Gibson et son équipe visuelle ont de nouveau un talent indéniable pour magnifier la violence. Ce n'est donc pas une œuvre de prêche comme certains pourraient craindre.
D'ailleurs le héros part tout de même à la guerre, même si lui ne veut pas tuer, et il tombe dans le piège tendu par le gouvernement, complice des vendeurs d'armes. Il est manipulé comme des millions d'Américains mais reste lui-même à travers ses actes. Vaste réflexion sur la différence entre foi et croyance. C'est le petit point plus subtil du film. Il y en a au moins un, tout de même.
Les acteurs sont au diapason. Andrew Garfield pourra faire trois films médiocres de suite, on lui pardonnera tant il colle au rôle.
Si cette œuvre nous questionne en permanence, fort heureusement elle n'oublie pas ce qu'elle est : du cinéma. Émotion, spectacle et suspense sont aussi au rendez-vous. Des ralentis placés à un moment tout ce qu'il y a de plus standard le prouve, les codes du cinéma classiques sont utilisés pour être sûr de toucher le spectateur. C'est le propos, le contenu qui compte le plus même si la mise en scène est belle. Elle sert ce parti pris fort et original. Radical. La musique suit la même logique. Tout cela crée une cohérence artistique simple, adéquate pour raconter une histoire sans concessions.
Il vaut mieux s'arrêter là, car c'est un film qu'il faut découvrir en ne sachant que le minimum, voire rien, en plongeant dans toute sa passion, son émotion, sa fougue et ses innombrables questions difficiles. Amen.