Après Ådalen 31, je poursuis, avec plaisir, mon exploration du cinéma de Bo Widerberg, cinéaste que je ne connaissais pas voilà une semaine.
Changement total de style, Un flic sur le toit est un polar, presque un codex du genre qui donnera les films Millénium et Enquêtes du Département V (que j'apprécie plutôt pas mal), qui suit deux flics vieillissants et fatigués dans une enquête, visant à déterminer qui a assassiné sauvagement un commissaire de police mourant à l'hôpital, Wyman.
D'abord, le film s'ouvre sur une scène très graphique de meurtre, avec un soupçon de frayeur, et surtout des visuels extrêmement évocateur. Un œil, seul, qui apparaît dans l'embrasure d'une fenêtre. Un meurtre filmé à la première personne du point de vue de la victime, le sang qui cascade, le pied qui glisse, la mort.
Puis soudainement, le film se pose.
Widerberg suit ces 4 flics (Beck, Rönn, Larsson et Kollberg) au plus près, dans un style quasi documentaire, très souvent caméra à l'épaule, très légèrement tremblante, qui ramène la mise en scène à sa plus substantifique moelle, ce qui rend le récit d'autant plus fort. De Beck, flic blasé, et Rönn, s'endormant un plan sur deux, il se dégage un réalisme très fort sur le quotidien de la police. Comme dans Ådalen 31, Widerberg a un amour incommensurable pour ses personnages principaux, qu'il suit et filme sans jamais les juger, dans leurs imperfections ou leurs maladresses.
L'enquête amène Beck à se questionner sur la vertu du commissaire assassiné, qui s'avère avoir été violent, avec témoins, victimes et subordonnés. Par là, Widerberg dessine le propos social de son film : la place de la police dans la société, les dérives dont elle est capable et les conséquences pour les victimes, et plus globalement, pour la société. Sujet des plus d'actualité, qui me rappelle fortement Contre-Enquête de Sidney Lumet, et Les Assassins de l'Ordre, de Marcel Carné, dans cette thématique.
Dans sa dernière demi-heure, Widerberg change radicalement de film. Finie l'enquête lente et méticuleuse, on rentre dans une scène de tension très forte, climax du film. L'action y est silencieuse ou presque, et encore une fois d'une violence implacable, et saisissante. Y est racontée finalement, la violence intrinsèque chez chacun de nous, notre curiosité maladive face à celle-ci, et l'impuissance d'une police sclérosée et violente face au désespoir dans la société.
Un flic sur le toit est un grand polar. Froid et violent, implacablement réaliste.