Frère aîné de Nobody Knows et cousin de Tel père, tel fils (son meilleur film selon nous), Une affaire de famille confirme le talent narratif de Kore-eda, son regard sensible, sa recherche de la nuance, son sens du détail.
Pour gagner à Cannes - c'est certes une banalité mais rappelons-le tout de même – il faut soit du social, soit du politique (soit les deux). Bien sûr, ce n'est pas le seul critère – ce que certains réalisateurs omettent, n'hésitant pas à nous servir un rapide plat déjà préparé plein de sentiments au glutamate (ou au glucose), de thèses gonflées aux clichés et d'arguments s'effondrant comme des flans (autant Labaki que Spike Lee peuvent en témoigner, en ce qui concerne le cru 2018).
Or, Kore-eda ne s'aventure-t-il pas lui non plus dans ces sentiers bourbeux du film social, bordant dangereusement le pathétique (enfants abandonnés, jeune fille battue, famille obligée de voler), empruntant quelques raccourcis romanesques? En effet, comment faire que l'histoire d'une famille livrée au vol comme nécessité quoique vivant dans un des pays les plus riches du monde, où plus personne ne meurt désormais de faim (ne serait-ce que grâce aux organisations caritatives et autres aides sociales), occupe l'essentiel du récit sans nuire à la vraisemblance?
Et bien, grâce au retournement de situation moral d'abord, qui entraînera ensuite la dissolution de cette famille qui s'était peu à peu fondée et la révélation des nombreuses illégalités commises par celle-ci. Ce moment-clé où Shota, le garçon, se rend compte de qui est véritablement Osamu, son «père», faisant ainsi écrouler les apparences, montre toute l'intelligence de Kore-eda voulant traduire la complexité de l'humain, de ses sentiments et de ses actes. D'ailleurs, même si la Justice les condamne, le public, lui, comprend, justifie et absout ces parents après que Kore-eda révèle la nouvelle vie attendant les enfants.
Il aurait donc fallu laisser courir les voleurs de pommes … ou plutôt d'oranges.