Five Different Ways to Die
Énorme succès dans les festivals fantastiques à travers le monde, de Gérardmer à Sundance en passant par Paris et Toronto, le premier V/H/S avait laissé une bonne première impression pour les amateurs de genre. Il faut dire que le concept de film à sketch fantastique, très à la mode en ce moment (The Theatre Bizarre, ABC's of Death, etc.), avait extrêmement bien marché avec le premier volet. Né du projet du site Bloody Disgusting de donner carte blanche à des cinéastes pour réaliser des courts basés sur le found footage, il faut dire que l’idée était déjà bien utilisé. Il ressortait du premier opus de très bonnes idées, de bonnes sensations adrénalitiques et surtout une bonne visibilité pour des réalisateurs indépendants jugés comme faisant partie d’une nouvelle vague de cinéastes de genre, notamment le collectif Radio Silence qui concluait ce premier essai d’une manière brillante. Les six sketchs originels proposaient une lecture plutôt variée du cinéma d’épouvante et fantastique, relié par une trame narrative de qualité.
Si un habitué du film à sketch est resté pour cette suite en la personne d’Adam Wingard (dont You’re Next, très bon long-métrage d'home-invasion horrifique, est attendu pour septembre dans les salles hexagonales), les autres cinéastes sont des nouveaux venus de l’anthologie V/H/S. Et autant dire qu’un peu plus de notoriété ponctue cette suite. Si le nombre de sketchs s’est réduit, il en résulte une longueur plus importante dans les courts présentés. Ainsi, Simon Barett, scénariste du premier opus et réalisateur sur ABC’s of Death, est à la charge de la trame narrative dont le but est de présenter les autres courts horrifiques. Il déroule presque anecdotiquement, sans ingéniosité réelle, son récit en installant deux personnages, campés par des détectives à la recherche d’un étudiant disparu. Leur entrée par effraction dans l’appartement de cet étudiant aura de lourdes conséquences, mais avant cela les protagonistes découvrant cette pièce remplie d’écrans de télévisions et de cassette VHS vont se laisser tentés sournoisement par l’envie de regarder ces cassettes aux titres aguicheurs. Pour le coup, le « liant scénaristique » du premier volet était bien meilleur.
La première cassette regardée par les détectives est intitulée Phase I Clinical Trials, réalisé par Adam Wingard. Elle narre l’histoire de son réalisateur qui s’est vu implanté un œil bionique qui va lui permettre de voir des choses, impossible à voir normalement pour des êtres humains aux yeux normaux. Certains feront un vague rapprochement avec The Eye (Xavier Palud, 2008). Le court est bon, démarre bien l’ensemble mais se révèle un tantinet consensuel et standard au vu des possibilités. Heureusement que la personnalité saugrenue d’Adam Wingard rend son court finalement assez amusant. Pas de tension, ni d'adrénaline, juste un démarre gentillet pour un film à sketchs dont l’intensité va aller crescendo.
La seconde cassette nommée A Ride in the Park est réalisée par les créateurs du premier Projet Blair Witch. Un film référence du found footage tant il est considéré comme l’un des précurseurs de la vague de films de genre. S’ils n’ont rien fait réellement entre temps, du moins qui a permis de confirmer leur talent, il faut reconnaître que leur court se révèle sympathique. Une petite merveille gore qui s’adapte à cette mode des sports extrêmes où les sportifs immortalisent leurs instants avec des caméras GoPro. Une idée ingénieuse puisqu’elle permet de donner une authenticité à ce point de vue zombiesque. Car l’intrigue raconte l’histoire d’un cycliste extrême parti en promenade dans la forêt et tombant nez-à-nez avec des zombies avant d’en devenir un. Le court met tour à tour son spectateur dans la peau d’un homme sain puis dans celle d’un zombie assoiffé de chair fraîche. Il fait également référence à cette idée de George A. Romero (Le jour des morts-vivants) qui est celle de croire que les zombies ont encore un semblant de conscience. Un petit côté Warm Bodies pas si bête mais un peu naïf sur la fin. Un court qui vaut surtout pour sa maîtrise de la caméra et ses effets gores.
Le troisième sketch est définitivement l’un des plus fous de ce second volet et il n’est pas étonnant que la campagne de communication se soit axée presque exclusivement sur celui-là. Déjà, il est réalisé par le tandem Timo Tjahjanto et Gareth Evans et se prénomme Safe Haven. Timo était également présent pour ABC’s of Death mais c’est surtout la présence de Gareth Evans qui rend le court extrêmement intense, complètement dingue, magnifiquement mis en scène et surtout servi par un rythme surrefréné sur la fin. Il faut dire que le cinéaste est à l’origine du buzz indonésien l’an passé, The Raid. Un film de combat dans un lieu clos frénétique et intense comme il s’en fait de plus en plus rare. Une perle du cinéma de combat et de mise en scène. Quoiqu’il en soit, il s’amène dans cette anthologie avec l’idée de faire un court-métrage intense, décalé, dénonciateur et très gore. Le résultat est réussi et si la première vision peut laisser éventuellement de marbre, la seconde ne peut que convaincre du talent du tandem, du court et de la folie qui en découle. Une équipe de reporters souhaite interroger le gourou d’une secte autarcique. Presque chaque reporter a sa caméra et il en résulte une pluralité des points de vue appréciables, qui permettent de suivre la progression de l’horreur au sein de la structure de regroupement des membres de cette secte. La fin est juste dingue, malsaine et particulièrement gore. Intense, fou furieux, incontestablement bourré d’audace, absolument scotchant, Safe Heaven est une réussite du genre et les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce court métrage. Impossible d’oublier cette pépite du genre tant il fleure le respect pour le cinéma d’épouvante et fantastique, et se veut atteindre un niveau de gore absolument dégoûtant sur la fin. Merci Gareth Evans et Timo Tjahjanto !
Le dernier sketch est également une très bonne surprise de la part de Jason Eisener avec son Alien Abduction Slumber Party. A l’origine du très buzzé Hobo with a Shotgun et de son court dans ABC’s of Death, il se lance dans le court tendance OVNI/ Alien invasion et propose un résultat se rapprochant de Super 8 en beaucoup plus trash. Pourquoi donc ? Et bien, parce qu’il suit une bande de gamins, même deux bandes dont l’âge entre les deux différent sensiblement et permet de voir de jeunes branleurs s’attaquer à des plus grands qu’eux et inversement. Il en résulte des gags, des crasses, des moments très drôles jusqu’à ce qu’intervienne une invasion extraterrestre aussi dingue que visuellement et auditivement impressionnante. Jason Eisener a su jouer avec les images et les sons pour donner un résultat proche d’un très très grand spectacle de sons et lumières qui vaut franchement le détour. Le plus fun dans ce court reste cette relation entre ces deux bandes d’adolescents, filmé par un chien (!!), et qui vont coopérer pour tenter d’échapper à leur enlèvement. Les costumes de ces êtres venus d’ailleurs sont corrects sans pour autant marquer par leur originalité. Il est possible d’y voir une référence à Roswell. Une intensité également folle pour conclure cette projection de courts avant de retourner sur la trame narrative pour conclure ce film
Avec ce second volet, l’anthologie V/H/S confirme qu’elle est sur de bonnes voies et qu’elle est un vrai tremplin pour de jeunes cinéastes mais également un terrain de jeu pour des cinéastes confirmés. Le concept de V/H/S peut laisser croire à une certaine inégalité d’un sketch à l’autre mais il faut croire que l’équipe du film a bien compris le truc et cette suite ne fait que monter crescendo en tension, laissant plus qu’une très bonne impression. Le premier opus bénéficiait de l’effet de surprise et c’est ce qui le rendait le plus dingue et le plus intéressant, notamment sur le sort de ses victimes qui étaient tous coupables de quelques pêchés (adultère, sexe forcé, argent, etc.). Ici, les personnages sont moins attachants, et certaines intrigues fleurent bon le stéréotype ou le cadre consensuel mais il en résulte davantage d’idées sur le plan de la mise en scène et notamment de certaines symboliques. Le puissant Safe Heaven le confirmera avec cette séquence dans une salle ou les fidèles, placés de manière très géométrique se suicident en même temps. Un plan complètement dingue qui donne une haute valeur esthétique à cette bonne suite. Si les suivants sont aussi biens que celui-ci, alors il ne faut espérer que le meilleur et le succès pour ces cinéastes et ce concept de films à sketchs. L’anthologie V/H/S est une excellente alternative pour tous ceux fatigués par les remakes, les reboots, les sequels, prequels ou les films sans idées qui sortent dans les salles de cinéma du monde entier tandis que des cinéastes comme ceux participant à cette anthologie ne demandent que plus de visibilité pour pouvoir exprimer pleinement leur talent. Adam Wingard est cependant sur la bonne voie pour être l’un des cinéastes les plus reconnus de cette vague, grâce à la sortie de You're Next. Pour ceux résidant dans l’Est de La France, V/H/S 2 sera projeté au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg du 13 au 22 septembre prochain.
Pour l’anecdote, le titre de cette critique fait référence au morceau de la BO du film composé par le The Death Set, groupe éléctro qui avait déjà composé pour le premier volet. Sauf que dans la suite, le morceau s’intitule 6 Different Ways to Die croyant que la suite reprendrait cette même idée de 6 courts métrages horrifiques. Une légère faute qui n’entache en rien la bande-son du générique.