Qu'elle est lointaine cette époque où les héroïnes disneyiennes réunissaient la fusion parfaite de la gourde et de la plante en pot. Que de nautiques parcourus depuis Blanche-Neige, cantonnée au rôle de ménagère, ou de Cendrillon, à celui de...ménagère. Il a fallut attendre des personnages comme Belle et son émancipation par la lecture ou encore Raiponce pour voir une princesse prendre son destin en main à coup de poêle à frire. Disney évolue et permet enfin à son héroïne Moana (oui, j'emmerde les censeurs putrides et leurs engeances méphitiques de marques déposées) de s'exprimer au travers d'une histoire qui ne la verra pas finir dans les bras d'un valeureux gominé dont elle portera la progéniture pour les décennies à venir. Moana est une jeune fille de couleur, potelée et immunisée contre la maladie rare transmise aux princesses par les Souris Géantes : la maturité.


Sur sa petite île, son père la forme dès son plus jeune âge au rôle responsable de chef de village. Tiraillée entre l'héritage paternel et sa soif d'exploration, c'est par le biais de la figure grand maternelle (une femme...) que Moana va trouver les ressources pour briser le carcans des traditions.


Moana est une jeune fille raisonnable et réfléchie mais néanmoins énergique et capable d'initiative. Ce sont ses choix qui l'a guideront et jamais elle ne sera passive ni ne subira les conséquences imposées par d'autres. Elle symbolise la femme active, celle qui assume ses choix et garde le cap, avec ou sans partenaire. Une femme moderne et émancipée, dévouée aux siens et non en quête d'une romance superflue. Elle s'inscrit comme la première héroïne Disney qui ne tisse aucun lien amoureux avec son protagoniste principal.


Pour compléter le duo, Maui, demi dieu du vent et de la mer, métamorphe à ses heures perdues. A l'origine du mal, c'est lui qui dérobe le cœur de la déesse et cause ainsi l'arrivée des ténèbres. Bouffon auto centré dans son introduction, Maui dévoile au long du film une personnalité plus profonde bienvenue. Prométhée maori en manque d'amour, il offre aux hommes les bienfaits du feu divin en échange d'un peu d'adulation, de reconnaissance et surtout d'un amour parental dont il fut privé depuis la naissance. De cette opposition entre les origines des deux protagonistes naît une relation plus complexe que la moyenne affichées des œuvres disneyienne. Tatoué des pieds à la tête, Maui exhibe des pectoraux saillants où s'agite, tel un Jiminy Criquet, sa conscience symbolisée par un petit personnage stylisé. En langage Disney on appelle ça des seins animées...


Pour s'élever au rang de femme, Moana ne devra pas trouver le géniteur idéal mais apaiser la Flamme. La déesse de la nature, privée de son cœur, a sombré dans la colère. Cendres et lave. Sur le chemin initiatique, Moana devra accomplir trois épreuves. Combattre les pirates coco, fantasmes toonesques de créatifs encore sous le choc du dernier Mad Max, et ainsi vaincre par la force. Utiliser son intelligence pour tromper la vigilance d'un crustacé capitaliste égocentrique (toute ressemblance avec des personnages réels...) et finir enfin seule, afin d'interroger son cœur et savoir pourquoi elle se bat. Lors de cette rencontre final qui l'opposera au chaos, elle devra mettre en œuvre tout ce qu'elle a précédemment acquis. C'est dans ce climax quasi biblique où l'océan prend des airs de Mer Rouge, que Moana emprunte à Moise et replace le cœur au centre de tout. Principale artisane de sa réussite, Moana s'est forgée une âme associant raison et passion afin de guider son peuple vers un au-delà nécessaire et salvateur.


Si le navire sait éviter les écueils les plus grossiers, on n'échappe pas au cortège de chansons habituelles qui, même si elles s'intègrent plutôt bien à l'histoire, se concentrent trop dans les vingts premières minutes, laissant le spectateur échapper de justesse à la noyade. Si l'aspect technique est irréprochable et l’absorption de l'identité visuelle maori réussie, l'emballage général reste assez fade car calibré pour une masse en attente. La musique est plus que supportable et certaines ritournelles s'accrochent même de retour à la maison. Libérééééééééééemancipééééééééééééée !


Constat plutôt positif pour cette dernière production made in Walt. Grâce à une Moana qui pose les nouvelles bases de ce que sera, je l’espère, le parangon de l'héroine Disney, le film propose un spectacle calibré et linéaire mais qui affiche enfin des ambitions féministes modernes. Avec ses yeux à la Rachel Weisz, ses mollets au beurre de karité et son cœur passionné, Moana déferle dans les salles et harponne le public même le plus récalcitrant. Maui, lui aussi, s'y est laissé prendre, car son âme sonne.

Alyson_Jensen
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le 20 déc. 2016

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Alyson Jensen

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